RMC

Livre événement - Sonia a dénoncé Abaaoud: "Je suis devenue personne"

Vous avez entendu son témoignage pour la première fois sur RMC, le 4 février dernier. Presque un an après sa rencontre avec Abdelhamid Abaaoud, Sonia publie ce jeudi Témoin (éditions Robert Laffont), un livre en collaboration avec la journaliste de RMC Claire Andrieux. Aujourd'hui, elle déplore, notamment, de "ne toujours pas avoir changé d'identité" et "de ne pas avoir de vie sociale et professionnelle".

Sonia est un témoin clé de l'enquête sur les attentats de Paris. C'est elle qui a permis de neutraliser Abdelhamid Abaaoud. Un an après son témoignage exclusif sur RMC, elle publie ce jeudi Témoin (Editions Robert Laffont) en collaboration avec notre journaliste Claire Andrieux. Dans ce livre, elle y raconte dans le détail sa rencontre glaçante avec Abaaoud, sa relation maternelle avec Hasna, la cousine du terroriste, la façon dont la police l'a poussée à obtenir l'adresse de la planque à Saint-Denis et comment sa prise en charge a évolué au fil des mois.

Pour rappel, cette femme avait appelé la police deux jours après les attentats pour dénoncer le terroriste Abdelhamid Abaaoud. Elle avait ensuite permis de le localiser à Saint-Denis, et ainsi, empêcher de nouveaux attentats à La Défense. Son geste a eu des conséquences irrémédiables sur sa vie. Elle a dû déménager avec ses enfants et son conjoint, rompre tout contact avec ses amis, et sa vie d'avant.

"Je ne dors pas"

On lui avait aussi promis un changement d'identité pour elle et ses proches. Mais aujourd'hui, Sonia ne peut toujours pas bénéficier pas du statut de témoin protégé. Car si la loi a été promulguée en juin, le décret d'application est pour l'instant bloqué en Conseil d'Etat pour validation. Une procédure et un délai jugés classiques par le ministère de la Justice, qui assure que la loi sera appliquée d'ici la fin de l'année. Incompréhensible pour Sonia qui espère bénéficier des mêmes dispositifs de protection et de réinsertion que les repentis, notamment une identité de substitution pour elle et sa famille.

En attendant, elle se prive de la plupart des démarches administratives pour ne pas utiliser son nom par mesure de précaution. Un vrai casse-tête et une source de stress importante au quotidien. "Je n'ai toujours pas changé d'identité donc forcément je ne dors pas, déplore-t-elle ce jeudi sur RMC. Je n'ai toujours pas de vie sociale, je n'ai toujours pas de vie professionnelle. Je sors seulement pour faire les courses et aller à mes rendez-vous chez le psy".

"Ça ne s'oublie pas des visages comme ça"

Depuis son interview en février, elle est en effet suivie psychologiquement. Elle bénéficie aussi d'une enveloppe globale de 20.000 euros, répartie chaque mois. Un dispositif temporaire qui ne l'a pas aidée à se reconstruire. "Ma vie d'avant était magnifique, regrette-t-elle. Je travaillais, je faisais mon bénévolat, je voyais mes amis… J'étais utile à la société. Là, on n'est plus utile à rien. On ne sert à rien. Je suis devenue personne. Quand on n'a pas d'identité c'est comme si on était fugitif. On dirait que je fuis mon ancienne vie".

Pour autant, presqu'un an après, Sonia ne regrette rien. Elle se souvient de sa rencontre avec Abdelhamid Abaaoud.: "Ça ne s'oublie pas des visages comme ça, assure-t-elle. La froideur de son regard, l'exaltation de ce qu'il avait fait, on ne peut pas oublier ça. En fait, c'est un film qui ne s'arrête plus". Et de certifier: "Si je dois repayer pour sauver juste un être humain, je n'hésiterais pas. Sans hésiter, sans réfléchir. Je ne pourrais jamais me réveiller et me regarder dans un miroir en me disant que je suis complice de telles atrocités. Ce n'est pas dans mon profil".

M.R avec Claire Andrieux