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Mayotte: qu'est-ce que l'opération "Wuam Bushu" contre l'immigration illégale?

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Des centaines de forces de l'ordre sont arrivées à Mayotte pour une opération, nommée "Wuam Bushu", contre l'immigration illégale. Elle devrait avoir lieu à la fin de la semaine.

Nom de code: "Opération Wuam Bushu". Rien n’a été annoncé officiellement mais c’est un secret de polichinelle: des centaines de policiers et de gendarmes sont déjà arrivés à Mayotte, dont des effectifs de la fameuse CRS 8, spécialisée dans les interventions en cas de troubles graves, dans le cadre d'une vaste opération de lutte contre l’immigration illégale qui devrait commencer cette fin de la semaine.

Dès le mois de Février dernier, le Canard Enchaîné avait annoncé ce projet d’intervention avec une date qui avait été fixée au 21 avril, pour la fin du ramadan. Wuam Bushu, cela veut dire “reprise” en mahorais. le projet c’est de reprendre les terrains envahi par les immigrés clandestins.

Des bidonvilles devraient être investis par la police dans une dizaine de communes et les cabanes de fortune détruites. On appelle cela une "opération de décasage": il y en déjà eu par le passé mais pas de cette ampleur. Des habitants ont déjà reçu des avis d’expulsion et les cases à détruire ont été marquées à la peinture.

Un succès qui n'est pas garanti

Toute la question réside dans ce qui va se passer après ces destructions. Parce que détruire un bidonville, ce n’est pas très compliqué, mais gérer les habitants de ces bidonvilles c’est plus difficile: les immigrés en situations régulières se verront proposer des solutions de logements et les mineurs non accompagnés devront aussi être immédiatement pris en charge et hébergés. Mais pour les immigrés clandestins ce qui est prévu c’est une vaste opération d’expulsion vers les Comores, les îles voisines dont-ils sont presque tous originaires.

Ils devraient d’abord être placés en centre de rétention, puis ils feront l’objet d’une obligation de quitter le territoire et devraient être envoyé sur l'île d'Anjouan, l'île des Comores la plus proche de Mayotte. Sauf que le gouvernement de cet archipel peut très bien ne pas accepter ces retours massifs.

Le gouvernement comorien a déjà demandé au gouvernement français de renoncer à son projet de destruction des bidonvilles et d’expulsion des sans-papiers. Les Comores considèrent que Mayotte leur appartient et que par conséquent, les Comoriens ont le droit de s’y établir.

Si les Comores refusent d'accueillir leurs ressortissants: ce serait l’impasse. Les sans-papiers ne pourraient pas être gardé très longtemps dans les centres de rétention et il faudrait sans doute les relâcher. Dans ce cas l’opération Wham Bushu n’aura été qu’un coup d’épée dans l’eau.

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La moitié de la population de Mayotte est étrangère

Mayotte est le département français où la question de l’immigration est la plus aiguë. La moitié de la population est étrangère: 25% d'étrangers légaux et 25% de clandestins. C’est l’histoire de la région qui explique cet afflux. Jusqu’en 1974, les Comores étaient un archipel Français. En 1974, par référendum, trois îles comoriennes ont choisi l'indépendance, mais la quatrième Mayotte a voulu rester Française: en 2011 l'île est devenue le 101ème département Français.

Bien qu’il soit de loin, le plus pauvre de France, il reste bien plus riche et attractif que les autres îles comoriennes. Comme les distances ne sont pas très grandes, comme la culture est la même, comme tous les Comoriens ont de la famille à Mayotte, le résultat est que les flux migratoires sont très importants.

L’ensemble des services publics de Mayotte sont débordés et en particulier l’Éducation nationale: les jeunes déscolarisés se livrent à des guerres de gang. En novembre dernier, on avait assisté à des vendettas à coups de machettes qui avaient fait plusieurs morts. C’est aussi pour mettre fin à ces violences inouïes qu’a été imaginée l'opération Wham Bushu, dont le succès est loin d'être garanti.

Nicolas Poincaré