Nouvelle-Calédonie: des incidents après le placement en détention en métropole d’indépendantistes

Regain de tension en Nouvelle-Calédonie. Ce week-end et ce lundi, des débordements (incendies, barrages) ont éclaté à l’annonce du transfert vers la métropole de sept dirigeants indépendantistes, dont Christian Tein, le principal leader indépendantiste. Il a été arrêté samedi avec dix autres personnes. A l’issue de leur garde à vue, neuf ont été mises en examen avec de graves chefs d’inculpation: complicité de tentative de meurtre, vols en bande organisé avec armes, destruction en bande organisée…
La justice leur reproche d'être à l’origine des émeutes qui ont fait neuf morts dont deux gendarmes depuis la mi-mai. Et la surprise, c’est qu’ils n’ont pas été incarcérés en Nouvelle-Calédonie. Après une audience devant les juges de la liberté, leur placement en détention a été ordonné. Et aussitôt après, un avion a été spécialement affrété pour conduire les prisonniers en métropole. Et ce dimanche, ils ont été incarcérés à Dijon, à Mulhouse ou à Riom.
Le procureur de Nouméa a expliqué que le transfert avait été décidé en raison de la sensibilité de la procédure. Selon lui, cela va permettre la poursuite de l'enquête de "manière sereine, hors de toute pression". Mais concrètement, cela veut dire que l’on a sept personnes qui se retrouvent incarcérées à 17.000 km des juges d’instruction qui enquêtent sur eux. Et aussi à 23 heures de vol de leurs avocats.
Qui sont ces indépendantistes? Ce sont presque tous des membres de la CCAT (Cellule de coordination des actions de terrain), un mouvement créé récemment pour s’opposer à la réforme du corps électoral que contestent les indépendantistes. Christian Tein en est le leader. Surnommé Bichou, c’est un militant indépendantiste de longue date. Quand Emmanuel Macron est venu en Nouvelle-Calédonie en mai, Christian Tein lui a dit: "C’est ton mec qui a du sang sur les mains". Le mec en question, c'était Gérald Darmanin, le ministre de l'Intérieur, qui a qualifié le CCAT de mouvement mafieux et violent qui tire sur les gendarmes à balles réelles.
Christian Tein conteste ces accusations. Et affirme que son mouvement condamne les débordements. En dehors du leader, la chargée de la communication de la CCAT Brenda Wanabo a aussi été transférée vers une prison en métropole, ainsi que la directrice du cabinet du président du Congrès de Nouvelle-Calédonie.
Une réforme certainement abandonnée
Ces transferts pourraient remettre le feu aux poudres. Dès dimanche, on a vu de nouveaux barrages se mettre en place autour de Nouméa, alors que les tensions étaient plutôt en train de retomber, notamment à cause de la dissolution. Ce qui a provoqué les violences depuis six semaines, c’était l’annonce d’une possible adoption de la loi sur le dégel du corps électoral. Une loi a priori défavorable aux indépendantistes.
Votée dans les mêmes termes par le Sénat et l'Assemblée, il aurait fallu la faire adopter par le Congrès réuni à Versailles. Or, l'Assemblée étant dissoute, le Congrès ne peut plus être convoqué. Emmanuel Macron en a tiré les conséquences en affirmant dès le surlendemain de la dissolution que la réforme électorale était suspendue.
Et il y a peu de chances que cette réforme soit relancée après les législatives. Le nouveau gouvernement, quel qu’il soit, aura certainement d’autres priorités. Jean-Luc Mélenchon a pris parti pour les indépendantistes et dénonce le néocolonialisme de Paris. Quant à Marine Le Pen, qui était historiquement très favorable aux loyalistes, elle vient de prendre une position très différente en se prononçant pour un possible nouveau référendum, dans une quarantaine d'années. Bref, la réforme qui a mis le feu à la Nouvelle-Calédonie est certainement morte et enterrée.