"On se dit pourquoi moi?": avant l'ouverture du procès des attentats de 2015, les questions de Michel Catalano, pris en otage par les frères Kouachi
Cinq ans et huit mois après les faits, le procès des attentats de Charlie Hebdo et de l'Hyper Cacher s'ouvre demain, le 2 septembre. 14 accusés, dont 3 manquent à l'appel, sont jugés par une cour d'assises spéciale à Paris, jusqu'au 10 novembre.
Ils sont soupçonnés de soutien logistique aux frères Kouachi et à Amedy Coulibaly, auteurs des attaques qui ont visé la rédaction de Charlie Hebdo, une policière municipale à Montrouge et un supermarché parisien Hyper Cacher, faisant au total 17 morts.
Plus de cinq ans après, certaines victimes sont encore profondément marquées par ce qu'elles ont vécu. C'est notamment le cas de Michel Catalano, patron de l'imprimerie de Dammartin-en-Goële, en Seine-et-Marne, où se sont réfugiés les frères Kouachi, le 9 janvier, deux jours après le massacre de Charlie Hebdo.
Lorsqu'on le voit déambuler dans les couloirs de son entreprise, Michel Catalano a tout d'un patron ordinaire. Les fournisseurs, les devis, les clients qu'on reçoit avec le sourire.
Mais il suffit qu'il s'approche de cette fenêtre, pour que tout lui revienne immédiatement en mémoire. Ce 9 janvier 2015 à 8h25 du matin, c'est d'ici qu'il aperçoit les frères Kouachi sur le parking de son imprimerie.
“Quand ils se sont garés, j’ai remarqué tout de suite la kalachnikov, mais surtout le lance-roquette. Et sur le moment, j’ai hésité parce qu’ils étaient habillés en noir donc j’ai cru que c’était des gendarmes et puis finalement, j’ai vite compris que ce n’était pas les gendarmes”, se remémore-t-il.
Commence alors son "enfer", comme il dit. Près de deux heures en tête-à-tête avec les frères Kouachi. Pendant qu'un de ses salariés est caché sous un évier dans une autre pièce. Alors même 5 ans et 8 mois plus tard, chaque matin, en poussant la porte, c'est la même sensation.
“Ce ne sont pas des flashs qui reviennent, c’est une ambiance, c’est une angoisse, mais c’est surtout une sensation physique qui revient tous les matins quand j’arrive”, assure-t-il.
De nombreuses questions en suspens
Pourtant, Michel Catalano a décidé de rebâtir son entreprise. Ici, au même endroit. Sa manière de continuer à vivre.
C’était important pour moi de me relever à l’endroit où je suis tombé et de continuer le chemin de ma vie. Et après si un jour ça peut arriver encore, je ne sais pas des fois, je me pose déjà la question, si je décide de partir ça sera moi qui le décide et pas quelqu’un qui décidera à ma place”, explique-t-il.
Un lent parcours de reconstruction, et beaucoup de questions qui le hantent encore. Dont il espère trouver des réponses au procès.
“J’aimerais bien savoir comment ils sont arrivés là, comment ils ont obtenu des armes, est-ce qu’ils connaissaient les lieux, est-ce qu’ils étaient déjà venus par ici. Tout un tas de question qu’on se pose tout de suite après parce qu’on se dit pourquoi moi, pourquoi nous”, détaille-t-il.
Un peu plus de deux mois de procès, que Michel Catalano aborde sans haine, sans colère. Juste avec ses quelques interrogations, et son envie de témoigner.