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Procès de la mort de Steve Maia Caniço : "Je n’ai pas commis de faute ce soir-là", affirme le commissaire Chassaing

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Le commissaire Gregoire Chassaing en charge des opérations de police de la fête de la musique à Nantes il y a 5 ans a nié toute responsabilité dans la mort de Steve Maia Caniço. Le prévenu de 54 ans a perdu son sang-froid face aux questions des parties civiles loin de l’image du commissaire "irréprochable" dépeint par la plus haute hiérarchie policière venu témoigner en sa faveur.

Le procès pour homicide involontaire visant Grégoire Chassaing se poursuit au tribunal correctionnel de Rennes, 5 ans après la mort par noyade de Steve Maia Caniço pendant la fête de la musique à Nantes. Le commissaire était interrogé à la barre mercredi.

"Je n’ai pas été impoli ou brutal. La consigne était connue de tous, affirme le commissaire Chassaing à la barre mercredi après-midi. La musique devait s’arrêter à 4h du matin. J’ai argumenté qu’ils avaient eu du rab. Les DJ étaient ivres, dans cette situation on ne peut pas négocier. La musique s’est arrêtée et ils l’ont remise par à coup par provocation. J’ai dit à mes hommes de s’équiper. Mon état d’esprit n’était pas de mettre la pression pour charger comme on le dit depuis 5 ans. Il fallait de toutes façons qu’on arrête la musique."

"On a essuyé une pluie de projectiles je n’ai jamais subi une telle attaque"

"Même si c’était très tendu ?", l’interroge la présidente. "Ça s’est tendu après, répond le policier de 54 ans en veste de costume et cravate bleu. On a essuyé une pluie de projectiles je n’ai jamais subi une telle attaque. J’ai pris une décision à un instant T en me basant sur le renfort rapide des CRS. On les attendus 20 minutes : c’est très très très long."

Quant aux grenades lacrymogènes lancées par les forces de l’ordre ce soir-là - 33 d’après le décompte de l’IGPN - Grégoire Chassaing n’en a jeté aucune et il n’a donné aucune instruction pour son usage. "C’est le principe de la légitime défense, c’est une réaction immédiate quand on est agressé. Les grenades lacrymogènes étaient le seul moyen de préserver notre intégrité."

"Je n'ai pas tout maîtrisé"

"Vous avez dit que vous n’étiez pas irréprochable", lui demande la présidente. "Qui l’aurait été dans de telles conditions ?, lui retorque Grégoire Chassaing. Je n’ai pas tout maitrisé, admet le commissaire qui rappelle que cinq policiers ont été blessés, notamment dans le passage des consignes. Mais j’ai fait de mon mieux".

« Est-ce que vous faites un lien entre l’action policière et les chutes dans la Loire ? Sans même parler de Steve Maia Caniço », l’interroge la magistrate. « Un lien temporel peut-être mais à ce moment-là je n’ai pas vu le nuage de lacrymo ni la bousculade», tempère le prévenu.

A la reprise de l'audience ce jeudi matin, Me Cecile de Oliveira revient sur ce "lien temporel". "Pas de lien de causalité si c’est là ou voulez m’emmener", s’agace le commissaire qui perd rapidement son calme. "Vous avez exprimé le regret d’avoir mis en danger vos effectifs, avez-vous des regrets pour les autres usagers ?", lui demande Me William Pineau. "Ce n’est pas l’objet de ce procès", affirme le prévenu.

Face aux questions des avocats de la famille de Steve Maia Caniço, Gregoire Chassaing s’emporte: "Vous apprendrez à connaître le rôle de chacun" ; « Votre question est hors sujet".

« On est au cœur du débat avec l’autoritarisme avec lequel vous répondez à nos questions », tacle Me Pineau. L’avocat du commissaire, Me Louis Caillez, tente bien de lui faire dire combien l’audience est éprouvante pour lui et combien ces cinq années de « mise au pilori médiatique », l’ont marqué.

Le policier a montré une autre facette de sa personnalité au tribunal. Bien loin, du commissaire encensé par la plus haute hiérarchie policière jusqu’au patron de la police nationale, le DGPN en personne. Frédéric Veaux s’est défendu de tout corporatisme quand il a dépeint le prévenu "comme exemplaire". "Un professionnel reconnu, sérieux, aguerri en qui tout le monde place sa confiance. Il fait partie de ceux pour qui on a du mal à trouver une critique."

"C'est la police qui dérive", dénonce l'avocat de la famille

"C’est la police qui dérive", a plaidé ce jeudi matin Me de Oliveira. "En prévenant trop tardivement le parquet de la disparition de Steve. Lorsque le directeur départemental reçoit la famille secouée de sanglots en ayant préparé sur son bureau les photos des blessures des policiers. »

L’avocate de la famille de Steve Maia Caniço a filé la métaphore d’une défense en tortue. "Chacun forme un groupe protégé par des boucliers et avance ensemble sans qu’une seule tête ne sorte. Au milieu ils ont mis Gregoire Chassaing." De Steve elle veut que le tribunal retienne l’image de son sourire, "le sourire gentil d’un innocent", « doué pour la danse et transporté par la musique".

Me Pineau l’admet: "L’attitude de Gregoire Chassaing n’est pas la seule cause de ce désastre. Mais cela serait un obstacle à ce que l’on interroge sa responsabilité ? Je ne crois pas à la volonté d’en découdre", plaide-t-il, mais je crois que Gregoire Chassaing était animé par la volonté de reconquête. Le manque de discernement qui fut le sien dans une mission difficile a été la cause de la mort de Steve Maia Caniço".

Marion Dubreuil