Procès de la mort de Steve Maia Caniço: “Ce n'est pas la musique qui a poussé Steve dans l’eau”, se défend un DJ

Procès de la mort de Steve Maia Caniço: “Ce n'est pas la musique qui a poussé Steve dans l’eau”, se défend un DJ - Marion Dubreuil
À la reprise ce mardi matin, le tribunal correctionnel de Rennes diffuse des vidéos de l’intervention de la police sur les quais de Loire qui a débuté à 4h31: “une minute et 43 seconde avant que Steve Maia Caniço ne chute dans la Loire”. La présidente poursuit le décompte macabre seconde par seconde alors que les images floues captées par la vidéosurveillance de Nantes montrent une foule compacte et un nuage de gaz lacrymogène.
On découvre ensuite des vidéos amateurs, on y voit des policiers casqués et on entend des bris de verre, des insultes “ACAB”, “CRS de bâtards”. Mais surtout, une mise en garde revient dans la bouche d’une jeune femme inquiète.
“Il y a la Loire derrière, il n'y a pas de barrière. Il y a l’eau derrière”.
“Je ne me vois pas sur la vidéo, précise le commissaire Chassaing, mais je m’entends”. “C’est vous qui dites ‘les gars avec moi’?” l’interroge la présidente. Il acquiesce. Ce 21 juin, c’est lui qui commande les opérations de police pour sécuriser la fête de la musique. Sur la bande sonore, on entend des festivaliers se plaindre de la fumée. “Bâtards, ils lancent des lacrymos”, “ça pique les yeux”.
Le DJ pointé du doigt
La note de service de la police nationale précise pourtant que l’usage de la lacrymo n’est autorisé qu’en cas de nécessité absolue sur ordre express du donneur d’ordre. Elle stipule que les sound systems sont tolérés jusqu’à 4h du matin. Dès 4 heures du matin, Gregoire Chassaing fait le tour des DJ pour demander de couper la musique jusqu’au 9e Sound System.
“On avait peut-être dépassé 20-30 minutes, admet Guy à la barre. Ce n’est pas la mort. Je n’avais pas vu l’heure passer. Je demande alors au commissaire à passer le dernier vinyle”.
“Il refuse. Le DJ a baissé puis remonté le son. Le policier a dû penser qu’on se foutait de sa gueule. En l’espace de deux minutes, c'était un no Man’s land, c’était la guerre. J’étais en short et en tongs, je ne voyais pas le danger qu’on pouvait représenter”.
“On n’est pas des malfrats. On était dans l’euphorie de la fête le public a demandé de remettre le son, je l’ai fait”, explique Nicolas, le DJ.
“Quand on n’écoute pas la police, on commence à être du mauvais côté de la force”, le reprend le procureur, Philippe Astruc. “Ce n’est pas la musique qui a poussé Steve dans l’eau”, se défend le DJ.
“C’est peut-être le fait d’avoir désobéi à la police qui est le premier élément”, conclut Philippe Astruc. L’avocat de la défense va plus loin et qualifie le DJ de “provocateur” et de “menteur”. “Pour moi, c'est vraiment le DJ qui est responsable”, affirme de son côté une policière qui accompagnait le commissaire Grégoire Chassaing.

"D'un seul coup, je ne l’ai plus vu”
Les fonctionnaires de police défilent à la barre pour raconter “la peur” face à “une pluie de projectiles”: bouteilles, cailloux, pavés, canettes.
“Je suis habituée aux violences urbaines, assure une commandante. Mais en dix-sept ans de carrière, je n’avais jamais été confrontée à ça”.
“On prenait des cailloux, abonde son collègue, on pensait qu’à une chose, s’en sortir. Un collègue avait l’arcade sourcilière en sang, un autre avait reçu un pavé au tibia. L’usage de la lacrymo était totalement justifié”.
Trois "teufeurs" ont raconté lundi après-midi au tribunal leur chute de 5, 6 mètres dans la Loire consécutive au nuage de gaz lacrymogènes, qui leur a fait perdre le sens de l'orientation, l'un se luxant l'épaule et devant la vie sauve à un autre participant qui avait pu l'agripper.
“Je ne voyais rien, j’avais les yeux qui pleuraient, a témoigné Alexis. Dans la panique, on essaie de sortir du nuage, mais le nuage est super loin. J’étais désorienté, j’ai trébuché sur un groupe de filles qui s’étaient assises par terre pour échapper au gaz. Et je suis tombé dans l’eau. J’ai essayé d’attraper quelqu’un au loin, mais je n’ai pas pu le retenir. Sa voix s’éraille. J’ai vu la silhouette qui se débattait et d’un seul coup, je ne l’ai plus vu”.
Sans jamais le nommer, il pourrait s’agir de Steve Maïa Caniço qui ne savait pas nager. “Ça donnait une impression de guerre, a expliqué lundi après-midi une bénévole de la fédération française de sauvetage et de secourisme qui est intervenue après un appel qui signalait plusieurs chutes dans la Loire. Une atmosphère de gaz et d’apocalypse. Nous avons sauvé quatre personnes, malheureusement une personne est restée dans l’eau”.
Me Louis Cailliez, avocat du commissaire de police, a tenu à rappeler que cette nuit-là, onze personnes sont tombées dans la Loire, cinq pendant l'opération, une en toute fin de nuit, mais aussi cinq avant les jets de grenades, “sans compter ceux qui sont remontés par eux-mêmes”.