Procès des attentats du 13-Novembre: nouvelle audition attendue de Salah Abdeslam sur sa radicalisation

C’est une journée importante au procès des attentats du 13-Novembre. Elle est consacrée à l’audition de Salah Abdeslam, le seul survivant du commando terroriste. Les parties civiles espèrent mieux comprendre qui est Salah Abdeslam. Pendant les trois premières années de sa détention, il n’a pratiquement jamais parlé à personne, ni aux juges ni même à ses avocats, qui ont fini par jeter l'éponge.
À son premier procès à Bruxelles, il n’a pas dit un mot, il n’a même pas voulu donner son nom et son prénom. Mais finalement depuis septembre, il a assisté à presque toutes les audiences de son procès et il a le plus souvent répondu aux questions qui lui ont été posées. Notamment début novembre, lors d’un premier interrogatoire de personnalité sur son enfance et ses débuts professionnels. Et c’est parce qu’il avait parlé ce jour-là, que l’on espère qu’il parlera ce mercredi. Même si rien n’est certain, car il peut encore invoquer son droit au silence.
Sur quoi va-t-il être interrogé? Sur son parcours jusqu’au mois d’août 2015. Le 2 novembre dernier, il avait raconté calmement ses années de jeunesse en Belgique, lorsqu’il avait une petite copine, buvait de l’alcool, fumait du cannabis, jouait au casino… "Une jeunesse occidentale", avait-il commenté.
Aujourd’hui, c’est la suite qui est au programme et principalement la question de la radicalisation, de son recrutement par Daesh, et de son rapport à la religion. Il sera forcément question de son ami Abdelhamid Abaaoud, le futur coordinateur des attentats du 13-Novembre. Son copain, qui habitait juste à côté de chez lui sur la place principale de Molenbeek. Celui qui est parti en Syrie, qui s’est fait filmer à Raqqa en train de traîner des cadavres derrière son 4x4. Et puis qui est venu à Paris pour diriger les attentats, avant d'être abattu par le Raid à Saint-Denis. Comment Abaaoud a entraîné Abdeslam? C’est une des principales questions.
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Analysé par deux psychiatres
En revanche, ce n’est pas encore ce mercredi que l’on parlera des faits. C'est-à-dire d'Abdeslam qui va chercher en Europe de l’Est plusieurs terroristes, qui loue les voitures et les chambres d'hôtel pour le 13 novembre, qui lui-même devait se faire sauter avec une ceinture d’explosif et qui ne l’a pas fait. Est-ce qu'il s’est dégonflé ou est-ce que la ceinture n’a pas fonctionné? Ce n’est théoriquement pas ce jour qu’on lui posera la question.
Tout cela, tout ce qui s’est passé après le mois d'août 2015, fera l’objet d’un autre interrogatoire plus tard au cours de ce procès.
Sur la personnalité de Salah Abdeslam, on vient d’en apprendre plus, grâce à une expertise psychiatrique. Après avoir refusé toute expertise pendant des années, il a finalement accepté de rencontrer deux psychiatres en novembre dernier, c'est-à-dire après le début du procès. Une rencontre de deux heures et demie, et le rapport a été remis à la cour la semaine dernière. Abdeslam n’a pas caché qu’il acceptait cette expertise en espérant que cela le rendrait plus humain. Et quand les psys lui ont demandé de se décrire lui-même, il s’est présenté comme “gentil, généreux, aimant bien aider les gens”.
Ça, c’est ce qu’il dit, lui. Les psychiatres, eux, décrivent une personnalité somme toute assez banale, mais enfermée dans un système totalitaire. Débarrassé de tout débat interne par son engagement sans faille dans ce système. Et les médecins ajoutent que s’il devait en sortir, s’il devait se réhumaniser, alors il y aurait un risque suicidaire. Un risque pris très au sérieux par l’administration pénitentiaire.
C’est ce qui explique ses conditions de détention très particulières depuis six ans à Fleury-Mérogis. Il est surveillé 24 heures sur 24 par deux caméras. Il est le seul détenu en France à être ainsi observé. Il a même fallu changer la loi pour que cela soit possible. Pendant les trois premières années de sa détention, il ne parlait aux gardiens que pour les insulter. Mais depuis, son comportement a beaucoup évolué et il se montre aujourd’hui plus respectueux. Il passe l’essentiel de son temps à lire des ouvrages religieux. On verra ce mercredi ce qu’il accepte de dire sur lui-même, face aux familles des victimes.
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