RMC au coeur d'un transfert de détenu, alors que la surpopulation carcérale bat des records en France

6h45, prison de Varennes-le-Grand en Saône-et-Loire. Le soleil se lève à peine tandis que trois hommes se préparent en vue d'un transfert de prisonnier sous tension. Ces trois hommes Anthony, Cyril et Lionel appartiennent à une ELSP, une équipe locale de sécurité pénitentiaire, en charge des transferts de détenus.
Ce jour-là, ils doivent s'occuper d'un transfert judiciaire. Un détenu doit assister à son procès à Nancy. Alors, il faut qu'il change de prison, pour se rapprocher du tribunal, un transfert minutieusement préparé: "On va à l'armurerie pour s'équiper: bâtons, deux chargeurs, l'arme, un gilet pare-balle et un gilet tactique", détaille Anthony. "Quand on va sur la voie publique, il faut être en sécurité, pour nous ou pour le détenu", ajoute-t-il.
Avoir un pied dans la détention, et un pied dehors, ça change tout, pour Anthony. Lui, est aussi surveillant en coursive et connaît donc les détenus qu'il accompagne: "Je travaille essentiellement en détention sur la maison d'arrêt et le détenu que l'on va transférer, je l'ai déjà côtoyé. Cela permet d'avoir une autre approche et de connaître son comportement", assure-t-il.
Avant de partir, le chef de l'équipe, Lionel, fait le point: "Hier, le détenu n’état pas très chaud pour partir. C'est quelqu'un de calme mais qui peut être impulsif", prévient-il. Après les fouilles obligatoires et les formalités administratives c'est enfin l’heure de partir: surveillants et détenu embarquent dans le fourgon, gyrophare allumé pour sortir de la ville.
Transferts judiciaires et transferts de désengorgement
Des transferts comme ça, il y en a plusieurs milliers chaque année, tous gérés par les ELSP, un corps de surveillant spécialement formé. Et ces transferts pourraient exploser. Car les prisons sont toujours un peu plus surpeuplées. Au 1er avril, on recensait 77.450 personnes incarcérées en France, pour 61.629 places, un record.
Pour lutter contre cette situation, 15.000 nouvelles places de prison doivent sortir de terre d’ici 2027. En attendant, c’est la débrouille. L’une des solutions qu’utilise l’Etat à court terme, c’est le transfert des détenus d’une prison saturée à une autre un peu moins surpeuplée, à proximité ou dans une autre région. On appelle ça des "transferts de désencombrement", qui viennent s'ajouter aux transferts judiciaires.
Pendant le trajet entre la prison de Varennes-le-Grand et le tribunal de Nancy, le détenu escorté par Anthony, Cyril et Lionel, est resté calme, sous les yeux des surveillants qui ne l'ont pas lâché du regard.
Après 3h de route, les surveillants et le détenu passent enfin une grande porte blanche, celle du tribunal de Nancy. Là, la voiture est arrêtée par un surveillant. Il met en garde Lionel: la dernière fois que ce détenu a été transféré ici, il a été agressif. Alors à la descente, une équipe est prête à intervenir.
"La mission s'est très bien passée comme dans 99% des cas"
Finalement, l'arrivée se passe bien. Présentation, empreintes et photo et ça y est, le détenu est transféré. Mission accomplie pour Anthony: "Cela s'est super bien passé, il a été coopérant, il n'a montré aucune réticence pour son transfert, la mission s'est très bien passée comme dans 99% des cas".
Dans les autres cas, il y a des risques spécifiques aux ELSP explique Cyril, le chauffeur du fourgon: "Le risque c'est que sur la route, une famille tente de récupérer le détenu. Des individus pourraient aussi s'en prendre à lui, on doit le protéger aussi. On est formé pour ça".
Vers une explosion du nombre de transferts?
Des transferts comme celui-ci, Lionel et son équipe en font tous les jours, parfois plusieurs par jour. L'an dernier, les ELSP en ont réalisé plus de 31.000 dans toute la France.
Et ce nombre pourrait bien augmenter avec les JO de Paris. L'Observatoire international des Prisons et les syndicats du secteurs prison-justice notamment, craignent que l'afflux de personnes, de touristes, venus profiter des jeux olympiques, mène à plus de délinquance, et à plus d'interpellations. Car le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti préconise "une politique pénale déterminée prévoyant des réponses rapides, fortes et systématiques" avant et pendant les Jeux. Plus d'interpellations, donc plus de gardes-à-vue, qui mènent à plus de comparutions immédiates, et in fine, plus d'incarcérations.
"Ca va péter à un moment ou un autre"
Et la situation, déjà critique, risque d'exploser tout simplement selon Wilfried Fonck, délégué du syndicat UFAP-Unsa Justice: "Aujourd'hui, c'est une véritable cocotte-minute. Cela va péter à un moment ou un autre. Est-ce que c'est du côté des détenus et on va avoir un été chaud bouillant et des mutineries ou est-ce que ce sont les personnels qui en ont ras-le-bol et qu'on va se retrouver avec des blocages devant les prisons? On a une montée en charge du nombre de détenus qui se conjugue avec une baisse des effectifs de personnel. Cela ne va pas tenir", s'inquiète-t-il.
Son syndicat a d'ailleurs lancé un appel à une mobilisation massive prochainement pour pousser le gouvernement à réagir face à cette situation.