Statut de repenti: pourquoi Eric Dupond-Moretti veut s’inspirer de l’Italie

Les "repentis" existent déjà en droit français. On les appelle les "collaborateurs de justice". Leur statut a été défini par la loi Perben en mars 2004. Elle dispose que toute personne qui prévient la justice d’un crime sera exemptée de peine ou condamnée à une sanction réduite. Et qu’il pourra bénéficier d’une nouvelle identité pour échapper aux représailles. Une commission nationale de protection et de réinsertion délivre ce statut de "repenti". Elle décide du niveau de protection nécessaire, elle organise le soutien matériel, le déménagement, le financement de la nouvelle vie, et surtout l'attribution d’une nouvelle identité, qu’on appelle une "légende".
Cela fait donc 20 ans que tout cela existe en France et qu’on peut encourager et protéger les repentis. Sauf que cela reste exceptionnel. Car les conditions d'accès à ce statut sont très restrictives. Si bien qu’en 20 ans, le statut n’a été accordé qu'à 18 repentis. Et en comptant leurs proches, leurs conjoints ou enfants, c’est en tout 42 personnes seulement qui ont bénéficié d’une protection. C’est trop peu, a commenté Eric Dupond-Moretti sur BFMTV.
Le garde des Sceaux explique que les acteurs du grand banditisme et les gros trafiquants de drogue connaissent parfaitement les méthodes des policiers et savent comment déjouer les surveillances. Ils ne laissent pas de traces ADN, ils ne se laissent pas suivre ni écouter, ils repèrent les balises placées sous leurs voitures. Et c’est pour cela que le meilleur moyen pour les confondre, c’est le témoignage de leurs complices, des repentis.
Le ministre de la Justice veut faciliter et élargir les conditions d'accès au statut de "collaborateur de justice". La nouvelle identité qui leur sera attribuée sera officielle et définitive, ce qui n'était pas le cas jusqu'à présent. Le repenti, pour être reconnu comme tel, devra passer par des déclarations sincères, complètes et déterminantes pour démanteler les réseaux criminels.
Plus de 1.000 repentis en Italie
En quoi consiste le système italien dont Éric Dupond-Moretti veut s'inspirer? La différence, c’est surtout une question d'échelle: une vingtaine de repentis en France contre plus d’un millier en Italie. Et avec les familles, ce sont quelque 5.000 personnes qui ont été protégées.
Les Italiens ont inventé ce système dans les années 1980, d’abord pour lutter contre le terrorisme puis très vite pour démanteler les mafias. Le repenti le plus célèbre, c’est Tommaso Buscetta, dit le traître. Il purgeait une peine de perpétuité lorsqu’il a décidé de tout balancer au juge Falcone. Il voulait se venger de Toto Riina, le parrain des parrains, qui avait fait assassiner ses deux fils, son frère, son gendre, et quatre de ses neveux. Les aveux de Tommaso Buscetta ont abouti à la condamnation de 350 mafieux lors d’un maxi procès historique.
Tommaso Buscetta a été libéré de prison et a refait sa vie en Floride, avec une nouvelle identité et un nouveau visage refait par un chirurgien esthétique. Il est mort de sa belle mort, à 71 ans, au début des années 2000. Eric Dupond-Moretti rêve d’un Buscetta français qui balancerait les plus gros bonnets du trafic de drogue…