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"Défaillances", "rôle inexistant": le Comité de prévention de la radicalisation étrillé par la Cour des comptes

La dette publique devrait s'accroître de 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022, selon la Cour des comptes

La dette publique devrait s'accroître de 560 milliards d'euros entre la fin 2019 et la fin 2022, selon la Cour des comptes - ludovic MARIN © 2019 AFP

Pour la Cour des comptes, le Comité de prévention de la radicalisation, qui pilotait notamment le fonds Marianne, est une structure "sans existence réglementaire" au "bilan insuffisant" qui a besoin "d'une remise en ordre rapide". Selon la Cour des comptes, le Comité de prévention de la radicalisation aurait notamment validé des dossiers et distribué des subventions malgré de nombreuses informations manquantes.

La Cour des comptes a étrillé ce lundi la gouvernance du comité de prévention de la radicalisation, déplorant une opacité et des manquements financiers qui l'ont poussée à signaler les faits au procureur général près la Cour des comptes.

Dans un rapport d'une centaine de pages, la Cour des comptes déplore une conduite des politiques "insatisfaisante", une structure "sans existence réglementaire" et une gestion des crédits "défaillante" au sein du Secrétariat général du Comité interministériel de la prévention de la délinquance et de la radicalisation (SG-CIPDR), une institution dont le secrétaire général Christian Gravel, en poste de 2020 à 2023, avait démissionné en juin à la suite du scandale autour de la gestion opaque du fonds "Marianne".

Le premier président de la Cour des comptes, Pierre Moscovici, a toutefois tenu à souligner qu'il ne s'agissait pas là d'un rapport sur le fonds Marianne: "Cette actualité n'a en rien affecté ou orienté notre travail de contrôle, ce sont deux choses disjointes", a-t-il affirmé lors d'une conférence de presse.

La Cour des comptes veut "une remise en ordre rapide"

Le contrôle, lancé en 2022, "a mis en lumière de graves insuffisances" dans le contrôle des comptes "et plus généralement dans la gouvernance du comité", a-t-il ajouté.

Dans des termes très sévères, le rapport déplore le "rôle quasiment inexistant" du CIPDR avec "trois réunions" seulement sur la période 2018-2022, "un conseil scientifique au bilan très insuffisant", et "une absence d'information du Parlement", alors même qu'un rapport annuel était prévu à l'origine.

La Cour regrette aussi que le secrétariat général, dont les effectifs sont passés de 23 agents en 2018 à 65 fin 2022, "ne dispose toujours pas d'un statut propre".

"L'organisation et la gestion du CIPDR appellent une remise en ordre rapide", a affirmé Pierre Moscovici.

"Défaillances d'ordre systémique"

Surtout, c'est la "gestion défaillante des crédits" empreinte de "graves dysfonctionnements" qui est pointée du doigt pour la partie gérée de manière centrale (les 75 millions d'euros de budget sont affectés à 90% par les préfectures).

"Ces défaillances sont d'ordre systémique, elles sont inquiétantes", a affirmé M. Moscovici, selon qui "l'absence de pilotage a logiquement mené à des carences en termes de gestion et de suivi des fonds et des subventions".

"La gravité de certains faits a amené la Cour a les déférer au parquet général près la Cour des comptes", pour des faits qui concernent "tous les stades de la gestion des subventions", a-t-il ajouté.

Des dossiers validés malgré des informations "manquantes"

Sans chiffrer ni nommer ces faits, il a expliqué que "certains dossiers ont été validés alors que de nombreuses informations étaient manquantes" et que "pour les plus gros bénéficiaires, des dossiers ont été validés en l'absence de production de comptes annuels".

"Le versement du solde a aussi eu lieu pour certains bénéficiaires malgré l'absence de versement de pièces justificatives obligatoires", a ajouté Pierre Moscovici qui a déploré l'"absence de contrôle et de suivi de l'exécution des projets financés" ou encore "l'absence de demande de remboursement en cas de non exécution du projet".

La chambre du contentieux va désormais instruire "et éventuellement juger et condamner qui de droit", a affirmé le président de la Cour, qui a estimé que "c'est une affaire grave".

Dans sa réponse communiquée par la Cour des comptes, le Premier ministre, Gabriel Attal, a assuré qu'une réunion du CIPDR était "programmée à la fin du premier semestre 2024" et il a évoqué de transformer la structure en "une délégation interministérielle".

"En matière de ressources humaines, une politique rénovée de gestion sera mise en oeuvre", selon le chef de gouvernement qui a promis "d'améliorer le suivi des programmes et des financements".

G.D. avec AFP