L'organisation des législatives, un casse-tête: "C'est encore à nous de nous débrouiller"

Dans la foulée des mauvais résultats de son camp aux élections européennes, le président de la République a annoncé dimanche 9 juin 2024 la dissolution de l'Assemblée nationale. Et donc la tenue prochaine d'élections législatives anticipées, les 30 juin (premier tour) et 7 juillet (second tour) prochains. Une échéance que peu avaient vue venir et qui laisse peu de temps, que ce soit aux candidats, aux communes ou aux Français.
Les communes en difficulté
L'Association des maires de France elle-même a fait savoir qu'elle s'inquiète des difficultés posées. Dans un communiqué, l'AMF a mis en garde sur le "délai inédit" entre l'annonce d'Emmanuel Macron et l'organisation des scrutins.
"La décision soudaine du président de la République de dissoudre l'Assemblée nationale et de convoquer les électeurs dans un délai inédit dans l'histoire de la République suscite une réelle inquiétude chez de nombreux maires sur la capacité des communes à organiser ces deux scrutins dans des conditions satisfaisantes", indique l'AMF.
Johan, agent de maîtrise et conseiller municipal dans le Loire-et-Cher, explique à RMC: "Depuis hier, on a contacté la secrétaire pour savoir comment on organisait les deux tours, puisqu'il faut que nous aussi on soit disponibles pour tenir les bureaux de vote." Et le deuxième tour étant sur des dates de départs en vacances, "il faut qu'on voit s'il manque des personnels et comment on s'organise", poursuit-il.
"Nous sommes une petite commune, on n'a qu'un bureau de vote: donc ce sont nous, conseillers ou ajoints au maire, qui le tenons. J'imagine que pour les grandes communes, où ils ont besoin de renfort, ça va être un peu plus compliqué que nous", souligne encore Johan.
Campagne express pour les candidats
Pour les candidats aussi, le délai est court. Lorsqu'on veut être candidat, compliqué de se préparer et (re)partir en campagne en trois semaines: il faut prévenir l'imprimeur, avoir le matériel, contracter un prêt pour avancer l'argent, déposer sa candidature... Les députés sortants ne sont, à l'heure actuelle, plus députés: ils doivent donc remercier leurs collaborateurs parlementaires.
Sur le plateau des Grandes Gueules sur RMC et RMC Story, l'avocat Charles Consigny a "déjà vécu l'usine à gaz que c'est d'être candidat aux législatives" (en 2022 dans les Yvelines, ndlr). "Il faut savoir, et cela m'a rendu plutôt mieux considérant vis-à-vis de nos députés, que le candidat fait tout lui-même: il choisit son équipe, fait son prêt, s'occupe des bulletins de vote, trouve son imprimante, s'occupe de sa comptabilité..." explique-t-il.
"Moi en tout cas, pour ce qui était des LR, ils n'ont rien fait (...) dans l'accompagnement des candidats. Ils nous ont prêté 5.000 euros royalement, qu'ils nous ont réclamés dès qu'ils ont pu, et c'est tout. On n'avait pas un graphiste, pas quelqu'un qui pouvait nous aider sur la campagne, pas une suggestion d'imprimeur... On n'avait rien. Ils avaient pas envie de gagner eux-mêmes, c'était un canard sans tête", poursuit Charles Consigny.
En revanche, selon l'avocat, les candidats "qui ont un bon parti derrière eux" et "sont un peu équipés" sont plus tranquilles. "Une campagne, c'est avant tout de la logistique. Ceux qui ont la logistique prête peuvent aller sereinement en campagne", explique-t-il. "Pour les sortants, qui connaissent la musique, évidemment ça va être plus facile." Mais "il ne faut pas se leurrer, une législative, sauf rares exceptions, c'est une élection maintenant strictement d'étiquettes", peu importe qui est le candidat, "sauf très rares barons locaux installés depuis longtemps, et encore". "C'est celui qui a la bonne étiquette et la bonne logistique qui gagne."
Autre difficulté, "les banques sont très réclacitrantes à prêter", souligne Charles Consigny, qui salue néanmoins "certaines banques de gauche" et "mutualistes, plus ou moins liées à Benoît Hamon" qui, "par souci de vitalité démocratique, prêtent volontiers aux candidats".
Les Français pris de court
Quid des électeurs? Bon nombre ont prévu leurs week-ends et se trouvent pris de court. Depuis 1958, c'est la première fois que l'on va aller voter aussi tard dans la saison, au moment où beaucoup de Français commencent à partir en vacances, après la fermeture estivale des écoles.
Beaucoup vont se ruer vers les procurations, dont le système a été simplifié. Dès l’annonce de la dissolution dimanche soir, le nombre de recherches pour savoir comment faire a explosé sur Google, et le site du ministère de l'Intérieur pour ces demandes était saturé lundi. "Ça va être compliqué car je pars en vacances, donc procuration", indique par exemple Emmanuelle, de Seine-Saint-Denis, à RMC.
"Le 7 juillet, à Chartres, normalement on a la flamme olympique qui doit venir. Donc il va falloir organiser la sécurité de la flamme, les bureaux de vote..." indique Teddy, professeur vivant dans la ville d'Eure-et-Loir. "Se pose la question des déplacements pour aller voter correctement. J'espère que la mairie est en train de se creuser les méninges pour que tout se passe convenablement."
Des évènements annulés
Il y a aussi des victimes collatérales: ceux qui voulaient réserver les salles de fêtes municipales, qui vont probablement devoir être réquisitionnées.
"Nous, on a la chance de voter dans le foyer rural, pas dans la salle des fêtes", mais pour ceux dans ce cas "c'est des annulations de réservations, donc des mariages", explique Johan, conseiller municipal.
Le témoignage de Laure, sur Facebook, est relayé par Les Grandes Gueules: "Je suis abasourdie, je ne fais que pleurer: la salle des fêtes où j'avais prévu de me marier (le 29 juin) avec 100 personnes vient d'être réquisitionnée pour le 30 juin" pour préparer pour les élections du lendemain. D'après elle, la mairie ne prévoit pas de plan B.
Johan cite encore "les fêtes des écoles, les kermesses": "des choses qui ne sont pas prévues par le gouvernement et, encore une fois, c'est à nous de nous débrouiller et trouver des solutions pour que les élections se déroulent correctement". De quoi relancer le débat du vote en ligne, qui pourrait, selon certains, représenter un gain de temps et de moyens.