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Législatives: la CGT sort-elle de son rôle en appelant à voter pour le Nouveau Front populaire?

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Pour les législatives, la CGT a classiquement décidé d'appeler à voter contre le RN, mais surtout, chose plus rare, à soutenir le Nouveau Front populaire. Pour certains, le syndicat sort de son rôle. Sa dirigeant, Sophie Binet, s'en défend.

La CGT a choisi. Non pas d'appeler à voter, comme très souvent, contre l'extrême droite et le RN, mais directement pour une liste, en l'occurrence celle de l'alliance de gauche. Mardi 19 juin 2024, le Comité confédéral national s'est prononcé "très largement" en faveur d'une déclaration titrée "Il est minuit moins une" qui stipule que la centrale "appelle les salariés, retraités et privés d'emploi à aller voter le plus nombreux et nombreuses possible les 30 juin et 7 juillet pour le programme du Nouveau Front populaire".

Une décision adoptée après un vote des membres du comité confédéral national (les responsables de fédérations et des unions départementales de la CGT), comme l'a révélé RMC. "Historique", assurait-on en interne du syndicat, car si la CGT a toujours appelé à voter contre l’extrême droite, elle n'appelle habituellement pas à voter pour un parti ou un mouvement en particulier. La Confédération est en effet signataire de la Charte d’Amiens, qui acte "l’indépendance" des syndicats à l’égard des partis politiques.

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La CGT sort-elle de son rôle? "De mon point de vue, oui'', estime Jean-Claude Mailly, ancien secrétaire général de Force Ouvrière (2004-2018), invité sur RMC ce mercredi, au lendemain de cet appel. "Ce n'est pas ma conception du syndicalisme, qui doit rester en dehors des joutes politiques", même si elle "peut donner ses positions et ses revendications".

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"En même temps, ce n'est pas surprenant puisque la secrétaire générale du syndicat, Sophie Binet, a assisté au meeting à Montreuil", le premier du Nouveau Front populaire, relève l'ancien dirigeant de FO. "C'est la première fois depuis 1981 que la CGT appelle à un vote particulier", remarque-t-il.

La CGT avait appelé à rejeter Marine Le Pen lors du second tour de l’élection présidentielle de 2022, sans pour autant appeler explicitement à voter en faveur d’Emmanuel Macron. Cette fois, la perspective de l'arrivée au pouvoir du RN l'a poussée à prendre parti et dès le premier tour.

"Pas représenté"

Yannick, auditeur RMC (43 ans), ne se sent "pas du tout" représenté par la position de la CGT. "Sophie Binet parle de démocratie, mais qui a appelé à manifester contre le RN à la sortie des urnes? Ce n'est pas la CGT?" interroge ce maçon dans les Pyrénées-Orientales. Or, selon lui, c'était une manifestation contre près de 40% des électeurs (le total de l'extrême droite en additionnant les résultats aux européennes du RN et de Reconquête!).

"On s'autorise à appeler à voter pour le Nouveau Front populaire, car ce n'est pas un parti, mais une large alliance de gauche", a justifié un membre du Comité consultatif national auprès de RMC mardi.

"Cette position-là, nous ne l'aurions jamais eue s'il n'y avait pas eu d'union de la gauche", a précisé Sophie Binet au micro de RMC. "Le programme du Nouveau Front populaire comporte beaucoup d'avancées importantes pour le monde du travail: l'augmentation des salaires, l'aborgation de la réforme des retraites, la retraite à 60 ans, la réduction du temps de travail... Mais il ne comporte pas toutes les revendications de la CGT, il y a plein de choses qui manquent", a-t-elle défendu.

"Notre république et notre démocratie sont en danger", a aussi mis en avant Sophie Binet sur BFMTV. "Ce n'est pas un chèque en blanc", a-t-elle toutefois prévenu.

"Pas inédit"

Tout en mettant en avant une décision "très forte", la numéro un de la CGT a souligné sur BFMTV que "ce n'est pas inédit", rappelant que la centrale "se positionne régulièrement sur les échéances politiques". "On l'a déjà fait en 1936, en 1945, en 1974, en 1981. On l'a aussi fait en 2012 quand il y avait un deuxième tour entre Nicolas Sarkozy et François Hollande" car le premier était "passé en force" en 2010 lors de la mobilisation contre la réforme des retraites, a-t-elle ajouté.

"Jamais le Rassemblement national ne défend et ne défendra les travailleuses et les travailleurs", a maintenu Sophie Binet.

En réalité, le syndicat s'investit dans la campagne depuis quasiment le début de celle-ci. Il y a plus d'une semaine, un communiqué publié au surlendemain des élections européennes - et donc de la dissolution de l'Assemblée - avait renvoyé le mouvement présidentiel et le parti d'extrême droite dos-à-dos. En alertant à la fois contre une victoire de l’extrême droite, "une catastrophe contre la démocratie et les libertés publiques", et contre "la poursuite de la politique libérale" incarnée par les candidats macronistes. Sophie Binet avait alors appelé à la création d’un "front populaire". Le lundi suivant, le 17 juin, à Montreuil, la secrétaire générale était à la tribune du premier meeting national de l’alliance de gauche pour marquer son soutien.

Le deuxième syndicat de France en nombre de voix a donc décidé d’aller plus loin. La CGT se démarque nettement des autres confédérations syndicales, puisque la CFDT (avec à sa tête Marylise Léon), l’UNSA et Solidaires se cantonnent pour le moment à appeler à faire barrage à l’extrême droite, sans faire passer d'autre consigne de vote plus précise.

Quant à FO, son secrétaire général Frédéric Souillot refuse de prendre parti: "Je n'appelle jamais à voter pour l'un ou contre l'autre, quelles que soient les élections. La seule politique que l'on mène, c'est la politique syndicale: la défense des travailleurs", a-t-il dit sur RMC.

Un seul syndicat pourrait imiter la CGT et soutenir l'union des gauches: le syndicat des enseignants, la FSU, doit prendre une décision formelle ce mercredi en votant sur un texte simiaire.

Maxime Ponsot