Législatives: "union de l'extrême droite", "union de la gauche", comment sont décidées les appellations

Eric Ciotti est furieux. Pourquoi? Parce que le ministère de l'Intérieur a enregistré l’union entre ses partisans et le RN sous le titre d’"union d'extrême droite". Eric Ciotti, qui est encore président de LR, a demandé une rectification immédiate. Il dénonce un "scandale démocratique d’une gravité sans précédent" et un deux poids, deux mesures, puisque son union avec le RN est qualifiée d'extrême droite alors que l’union de LFI, du PS, du PCF et des Ecologistes est appelée "union de la gauche".
Une décision du conseil d'Etat
Le ministère de l'Intérieur s’appuie sur une décision du conseil d’Etat. Le Rassemblement national avait contesté le fait d'être qualifié de parti d'extrême droite lors des sénatoriales de 2023. Il avait donc saisi le conseil d’Etat, qui a rejeté sa demande le 11 mars dernier en estimant que le ministère de l'Intérieur n’avait pas commis d’erreur manifeste d'appréciation. Autrement dit, la plus haute juridiction administrative a estimé que le RN est bien d'extrême droite.
Comment expliquer cette qualification? Sans doute par l’histoire. Le Front national (FN) de Jean-Marie Le Pen se situait à la droite de la droite et ne récusait pas ce terme d'extrême droite. Ce parti avait été créé, entre autres, par d'anciens collabos. Pour reprendre l'expression de Serge Klarsfeld cette semaine, "l’antisémitisme et le négationnisme étaient dans son ADN".
Il est donc factuel de dire que le Rassemblement national est l'héritier d’un parti d'extrême droite. Mais on peut débattre pour savoir s’il reste aujourd’hui d'extrême droite. Les responsables du parti le contestent. Marine Le Pen, elle, refuse même d'être qualifiée de “de droite”.
Des raisons historiques
Et pour La France insoumise, pourquoi le conseil d’Etat n’utilise-t-il pas le terme d'extrême gauche? Encore une fois pour des raisons historiques. LFI vient du Front de gauche, qui a été créé par Jean-Luc Mélenchon en s'appuyant au départ sur le Parti communiste français. Le PCF, qui était historiquement lié à l’URSS, mais qui était aussi l’allié de François Mitterrand dans l’union de la gauche des années 1970. Le PS (Parti socialiste) et le PCF représentaient la gauche. L'extrême gauche, c'était autre chose: les trotskistes de la LCR (Ligue communiste révolutionnaire) et de LO (Lutte ouvrière), avec Alain Krivine ou Arlette Laguiller.
Aujourd’hui, Jean-Luc Mélenchon a théorisé l'idée de tout conflictualiser, pour transformer un peuple révolté en un peuple révolutionnaire. Cela pourrait le classer à l'extrême gauche, mais ce n’est pas ce qu’a retenu le conseil d’Etat.
Quelles conséquences?
Ces classifications font débat, mais qu’est-ce que cela change concrètement? Rien du tout. Les appellations du ministère de l'Intérieur servent surtout à l'annonce des résultats le soir du premier tour des législatives. Les candidats RN, ciottistes et Reconquête seront donc classés dans un groupe appelé "extrême droite". Les candidats du Nouveau Front populaire seront eux dans un groupe qualifié d'"union de la gauche". Et c’est tout, ces qualifications n’ont aucun autre impact sur l'élection.
Nous obligent-elles nous, les journalistes? Pas du tout, et heureusement. Ce n’est pas le ministère de l'Intérieur ni le conseil d'Etat qui nous tiennent la plume. On peut qualifier le RN d'extrême droite et LFI d'extrême gauche, que cela leur plaise ou non. Pareil pour les auditeurs qui nous appellent et interviennent à l'antenne. Libre à eux de nommer les partis comme ils l'entendent. Par exemple, quand Kylian Mbappé appelle à ne pas voter pour les partis extrémistes, c’est son droit le plus absolu.