Loi immigration: le gouvernement en pleine négociation pour éviter le découpage... et le 49.3

C'était presque une équation impossible: comment faire passer la future loi immigration, après le psychodrame des retraites à l'Assemblée? Deux camps s'affrontaient dans la majorité. Les options étaient soit de conserver le texte tel quel, soit de le découper, pour voter les mesures de durcissement avec la droite, et les mesures d'intégration avec la gauche.
C'est finalement la position de Gérald Darmanin qui l'a emporté, sans découpage du texte, comme nous l’a confirmé une source ministérielle. Une manière d'accélérer sur ce projet de loi, dans les cartons depuis maintenant un an. Mais un conseiller de l'exécutif a une autre explication: "Le président du Sénat, Gérard Larcher, ne voulait pas de saucissonnage". En clair, l'exécutif fait tout pour donner satisfaction à la majorité de droite du Sénat, où le texte devrait être examiné en premier.
Les sénateurs LR ont même quasiment carte blanche sur ce texte. Hors micro, plusieurs cadres du parti nous confient: "Quand on discute avec Gérald Darmanin, il nous dit: 'Allez-y, réécrivez le texte comme vous l'entendez'".
Le 49.3 encore utilisé?
Les sénateurs comptent donc bien charger la mule et prévoient déjà de durcir le projet de loi, par exemple sur le regroupement familial ou les conditions de naturalisation. Mais cela pourrait ne pas suffire, puisqu'à l'Assemblée, plusieurs députés de droite refusent tout net de voter la loi si elle inclut le titre de séjour "métiers en tension". Un proche d'Éric Ciotti insiste. "Même si on va très loin sur les autres mesures, on ne doit pas céder. Régulariser des personnes qui sont illégalement sur le territoire et en plus font du travail non déclaré, c'est aberrant".
Ce titre de séjour métier en tension est pourtant réclamé par l'aile gauche de la macronie, et devrait donc rester dans le texte.
Face à ce blocage, les tractations entre le camp présidentiel et les groupes de droite vont bon train, et une députée Renaissance veut clairement mettre les LR dos au mur. "Ils ne peuvent pas accuser Gérald Darmanin de laxisme, et l'électorat de droite réclame une action sur l'immigration... Ce sera compliqué pour eux de voter contre" explique-t-elle.
La partie de poker menteur a bel et bien commencé, puisque les soutiens du président de la République n'excluent pas d'utiliser le 49.3 en dernier recours. Une hypothèse rejetée par la plupart des élus de la droite. Un parlementaire LR anticipe: "C'est inenvisageable pour eux, ce serait une nouvelle crise politique. Ils vont vouloir des garanties de notre part". Il conclut: "La prudence est de mise".