"Nul besoin d'être aimé quand on est chef d'État": l’avis tranché d’Arthur Chevallier

"L’important, ce n'est pas d’être aimé, c’est d’être respecté, c’est de faire". Emmanuel Macron qui m'a lui-même dit cette phrase. Si le président n’est pas très câlin, ce n'est pas grave. Ce que l’histoire retient, ce sont les actes. Et quand vous agissez, vous êtes forcément critiqué. Enfin, même ses actes sont très contestés. Depuis la dissolution, ce que fait Emmanuel Macron n’est pas soutenu par les Français.
Disons plutôt que ceux qui n’aiment pas Emmanuel Macron sont beaucoup plus bruyants que ceux qui l’aiment. Dans les faits, sa cote n’est pas si mauvaise. Il suffit de la comparer à celle de ses prédécesseurs. À la fin de son premier mandat, donc après cinq ans de présidence, la cote de confiance de Nicolas Sarkozy était à 30%. Celle de François Hollande s’était effondrée à 14%.
Avec presque deux ans d’exercice du pouvoir en plus dans les jambes, sept ans au total, Emmanuel Macron s’en sort très bien. Et d’ailleurs, l’impopularité, il l’a déjà connue. Pendant les Gilets jaunes, il était tombé à 23%. Ça ne l’a pas empêché de remporter une deuxième fois l’élection présidentielle. Et je suis sûr que s’il pouvait encore se présenter, il l’emporterait une troisième fois. Emmanuel Macron, c’est l’homme des résurrections.
En politique, on n’est jamais mort
La France est un pays qui a la mémoire très longue. En général, ça commence toujours bien, et ça se retourne très vite. Des rois aujourd’hui adorés ont été très contestés de leur vivant.
François Ier, le vainqueur de Marignan, l’ami des arts et des lettres, ou encore Henri IV, le roi proche du peuple, le père de la liberté religieuse. Les deux sont cités comme des exemples depuis 200 ans dans nos écoles. Ce sont un peu nos gentils rois. En réalité, de leur vivant, ils n’ont jamais fait l’unanimité. Ils ont même été parfois détestés. Autre exemple: Louis XV. Lui, la France a adoré l’adorer. Il était tellement jeune, tellement beau, tellement prometteur. On lui pardonnait tout, même d’être roi. C’était une sorte d’Emmanuel Macron du XVIIIe siècle.
Mais lui non plus, ça n’a pas duré. Sa popularité n’a pas résisté à 59 longues années de règne. Pas un seul chef de l’État n’a réussi à se faire aimer du début à la fin. Et la seule façon de s’assurer une popularité, en général, c’est de se faire assassiner.
La popularité, ce n’est la preuve de rien
La popularité, c’est une photographie de l’opinion à un moment donné. Ça ne veut rien dire pour la suite. Il y a aussi un autre paramètre à prendre en compte, c’est l’état du régime politique. Plus il est abîmé, plus les chefs d’État sont impopulaires. Pour la Vᵉ République, c’est très clair.
François Mitterrand, Jacques Chirac et Valéry Giscard d’Estaing avaient quitté le pouvoir avec des cotes de popularité très acceptables. Tout est plus difficile maintenant et Emmanuel Macron paye un contexte compliqué. Mais ça ne dit rien de l’avenir.
En 1945, Winston Churchill est le héros de l’Angleterre, il vient de gagner la Seconde Guerre mondiale. L’armistice est signé en mai. Un mois après, en juillet, il perd les élections et son poste de Premier ministre avec. Quand on accepte le pouvoir, il faut parier sur les siècles, pas sur l’instant.