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Pourquoi l'inscription de l'IVG dans la Constitution divise au Sénat

Photo du Sénat le 1er février 2023

Photo du Sénat le 1er février 2023 - Ludovic MARIN / AFP

Après l'adoption du projet d'inscription de l'IVG dans la Constitution par l'Assemblée nationale, le Sénat examinera le texte ce mercredi. Ils doivent voter exactement le même texte à la virgule près pour qu'il puisse être inscrit dans la Constitution.

Le Sénat examinera ce mercredi le projet d’inscription de l’avortement dans la Constitution. Le texte a été très largement adopté par l'Assemblée nationale, mais les sénateurs sont beaucoup plus divisés. Et notamment les sénateurs de droite qui ne sont pas tous convaincus par la nécessité d’inscrire l’IVG dans la Constitution. Le président du Sénat, Gérard Larcher, est opposé à la réforme. Il juge que le droit à l’avortement n’est pas menacé et que la Constitution n’est pas un catalogue des droits sociaux et sociétaux.

Le président du groupe Les Républicains Bruno Retailleau est sur la même ligne et il voudrait inscrire dans la Constitution le droit des médecins de refuser de pratiquer des IVG, au nom de la clause de conscience. Un autre sénateur LR, Philippe Bas, veut défendre un amendement pour que la Constitution garantisse la “liberté” d’avorter et non pas “le droit” d’avorter.

Et les mots sont importants. Certains sénateurs craignent que l’inscription dans la Constitution du “droit” à l’avortement crée une sorte de droit opposable qui serait supérieur à la loi qui fixe les conditions de l’IVG. Par exemple, les délais à ne pas dépasser. Les députés avaient d’abord voté un texte qui prévoyait l’inscription du droit à l’avortement. Les sénateurs ont ensuite voté un autre texte qui évoque la liberté d’avorter. Les députés ont alors proposé un compromis avec le terme de “liberté garantie”.

Mercredi, la question sera de savoir si les sénateurs voteront de nouveaux amendements, ou s’ils acceptent le texte des députés. Parce que pour modifier la Constitution, il faut que les deux assemblées adoptent le même texte, à la virgule près. Donc soit les sénateurs votent mercredi pour l’article unique tel que l'Assemblée nationale l’a adopté le mois dernier, et dans ce cas là tout ira très vite puisque le Congrès devrait se réunir à Versailles le 5 mars et inscrire dans le marbre de la Constitution la garantie de la liberté d’avorter. Soit les sénateurs adoptent un des amendements et à ce moment-là, le feuilleton continue avec de nouvelles navettes du texte entre les deux assemblées.

Des sénateurs mis sous pression par leurs familles

Certains sénateurs hostiles au projet devraient finalement s’abstenir parce qu’ils sont sous pression. C'est une étonnante enquête du Parisien qui l’a révélée et qui cite plusieurs sénateurs, et même une sénatrice qui racontent subir une forte pression familiale.

Thierry Meignen, sénateur LR de Seine-Saint-Denis, avoue par exemple avoir été cueilli par sa compagne qui lui a dit: “J’espère que tu ne vas pas voter contre l’avortement”. Il a essayé d’expliquer qu’il ne votait pas contre l’IVG, mais contre son inscription dans la Constitution, mais il a compris qu’il n'était pas compris, ni par sa compagne ni par le reste de sa famille. Il a donc décidé de ne pas s’opposer au texte.

Et il n’est pas le seul. Le Parisien cite un autre sénateur qui dit en avoir marre de se faire engueuler par sa femme et sa fille. Quant à la sénatrice écologiste et féministe Mélanie Vogel, qui défend le texte, elle estime que s’il passe ce mercredi, il faudra remercier ces femmes de l’ombre, c'est-à-dire les épouses, les filles, les sœurs ou les cousines des élus.

Reste que l’issue du vote reste incertaine parce que le groupe LR a laissé à ses membres la liberté de vote. Il est donc difficile de prévoir ce que feront les sénateurs. Beaucoup ont tout de même été frappés par la large majorité qui s’est dégagée le mois dernier à l’Assemblée. Le texte a été adopté à 94% des députés. Seuls 15 députés LR ont voté contre sur 62, et seulement 12 députés Rassemblement national sur 88. Difficile dans ces conditions pour les sénateurs de s’y opposer. L’un d’entre eux, qui était contre au départ, a changé d’avis de peur de se retrouver du mauvais côté de l’histoire.

Nicolas Poincaré