IVG dans la Constitution: le président du Sénat Gérard Larcher se dit "opposé"

Opposé à la constitutionnalisation de l'interruption volontaire de grossesse (IVG), le président du Sénat Gérard Larcher est venu rappeler mardi 23 janvier que le parcours parlementaire de cette promesse d'Emmanuel Macron serait peut-être plus épineux qu'espéré par le gouvernement.
"L'IVG n'est pas menacée dans notre pays. Si elle était menacée, croyez-moi, je me battrais pour qu'elle soit maintenue. Mais je pense que la Constitution n'est pas un catalogue de droits sociaux et sociétaux", a argumenté sur Franceinfo le puissant chef des sénateurs, figure des Républicains qui dominent le Sénat.
La position de Gérard Larcher n'est pas nouvelle sur le sujet, mais elle sème le trouble, à la veille de l'examen par l'Assemblée nationale du projet de loi constitutionnelle visant à inscrire dans le texte fondamental que "la loi détermine les conditions dans lesquelles s'exerce la liberté garantie à la femme d'avoir recours" à l'IVG.
En cas de vote favorable à l'Assemblée le 30 janvier, le texte irait ensuite au Sénat la semaine du 26 février, avant une réunion du Congrès à Versailles (députés et sénateurs) début mars, où une majorité des trois-cinquièmes sera nécessaire pour conclure l'examen parlementaire.
"Position personnelle"
En décembre, l'ex-ministre des Solidarités Aurore Bergé avait avancé la date du 5 mars pour ce Congrès hautement symbolique, à trois jours de la journée internationale du droit des femmes. Mais cela implique que les deux chambres du Parlement aient adopté le texte dans les mêmes termes, or cela n'est pas assuré au Sénat.
"Le gouvernement peut dire ce qu'il veut, on peut douter que le Congrès sera réellement convoqué le 5 mars. Une nouvelle fois, on est dans le mépris du Parlement", remarque un cadre du groupe LR, pour qui le Sénat pourrait bouleverser le calendrier en modifiant la rédaction du texte.
Les déclarations du président du Sénat ont suscité de nombreuses réactions notamment à gauche.
"Nous faisons un compromis sur la formulation, j'espère que cela mènera à un vote favorable au Sénat", a souligné mardi matin la cheffe des députés insoumis Mathilde Panot.
"Je suis respectueux de la position personnelle de Gérard Larcher. Je ne pense pas que sa position ait évolué", a pour sa part expliqué le rapporteur du projet de loi constitutionnelle à l'Assemblée Guillaume Gouffier Valente (Renaissance), assurant que "oui l'IVG est bien attaquée en France comme dans d'autres pays" et que "c'est aujourd'hui qu'il faut protéger ce droit".
"Jeux politiciens"
Le Sénat pourrait-il faire capoter la promesse présidentielle? La position de Gérard Larcher, partagée par le chef de file des sénateurs de droite Bruno Retailleau et par celui des sénateurs centristes Hervé Marseille, est néanmoins loin de faire l'unanimité.
En février 2023, la chambre haute avait en effet dégagé une courte majorité pour la constitutionnalisation de l'IVG, votée à 166 voix contre 152. Mais à l'époque, le texte n'évoquait que "la liberté de la femme de mettre fin à sa grossesse".
Le gouvernement propose lui une formulation proche de celle des sénateurs, mais en ajoutant la notion de "liberté garantie", ce qui n'est pas du goût de certains élus du Palais du Luxembourg.
"Les déclarations de Gérard Larcher posent question : est-ce que cela va faire boule de neige et empêcher l'adoption du texte ? On voit les jeux politiciens autour de la loi immigration, on aimerait que ce ne soit pas le cas sur ce texte-là", s'est inquiétée Suzy Rojtman, porte-parole du collectif Avortement en Europe.
Pour Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes, ces propos montrent "qu'il existe en France une petite minorité réactionnaire". "C'est pour cela que c'est important de constitutionnaliser: rien ne garantit que demain d'autres personnes défavorables à la liberté des femmes ne seront pas à des postes de pouvoir suffisamment importants pour revenir sur le droit à l'avortement".
Au Sénat, l'écologiste Mélanie Vogel, en première ligne sur la question, se montre plutôt confiante: "M. Larcher a toujours été opposé et cela n'a pas empêché le Sénat de voter pour", dit-elle à l'AFP. "Si certains changent leur vote un an après, il s'agira d'un prétexte".