Projet de loi sur la fin de vie: pourquoi la version adoptée en commission va plus loin que prévu

L’examen de la loi sur la fin de vie va commencer dès la semaine prochaine à l’Assemblée nationale. En commission, la semaine dernière, le texte a été modifié dans le sens d’un plus large accès à l’aide à mourir. Et ces modifications feraient de ce projet de loi l’un des textes les plus permissifs du monde en matière de suicide assisté ou d’euthanasie d’après ses opposants. Emmanuel Hirsch, professeur d'éthique médicale, estime que si la loi devait passer en l'état, cela signifierait que le modèle français autoriserait des pratiques que l’ensemble des nations ont refusé jusqu'à présent.
La société française de soins palliatifs va dans le même sens. Elle affirme que le projet de loi permettrait d’aller plus loin que ce que font les Belges ou les Canadiens. Ce qui est sans doute exagéré, mais qui montre bien que les amendements votés la semaine dernière provoquent une certaine émotion.
Ces amendements font sauter un certain nombre de verrous qui se trouvaient dans le projet de loi du gouvernement. Le plus important, c’est l’article 6 qui détermine qui peut avoir le droit à une aide à mourir. Dans le texte initial, cette aide devait être réservée aux patients dont le pronostic vital est engagé à court ou moyen terme. Dans la nouvelle version, on parle des patients souffrant d’une maladie en phase avancée ou terminale. Cette aide à mourir est toujours réservée à ceux qui souffrent d’une maladie grave et incurable, mais la notion de pronostic vital engagé à court ou moyen terme disparaît. Cela élargit considérablement le nombre de personnes qui pourront avoir recourt au suicide assisté.
Un marathon parlementaire
Mais il reste tout de même d’autres conditions et restrictions qui n’ont pas été modifiées. L’aide à mourir reste réservée à ceux qui présentent des souffrances réfractaires. Elle reste réservée aux majeurs. Les mineurs n’y ont pas le droit. Enfin, elle reste réservée à ceux qui vivent en France depuis longtemps. On ne va pas accueillir des étrangers qui choisiraient de venir mourir en France, comme cela se passe en Suisse ou en Belgique.
Les débats ont aussi porté sur la question du geste fatal. Qui administre le produit létal? C’est une question délicate mais importante. Si le patient avale lui-même un cachet, on parle de "suicide assisté". Si c’est un soignant qui lui fait avaler, ou qui lui fait une piqure, alors on parle d’"euthanasie". Et ce n’est pas pareil. Dans le texte initial, c’est bien le suicide assisté qui était autorisé. Sauf en cas extrême, si le malade, paralysé, ne peut pas lui-même faire le geste.
Dans la nouvelle mouture, le patient aura le choix entre prendre seul le produit mortel ou se faire aider par le médecin, voire par un proche. Pour les adversaires de l’aide à mourir, c'est encore un verrou qui a sauté. Un verrou auquel tenait Emmanuel Macron.
Mais cette nouvelle version de la loi n’est pas forcément celle qui sera finalement adoptée. Le texte va maintenant commencer un marathon parlementaire. Il sera examiné à partir de lundi à l’Assemblée, puis à la rentrée au Sénat. Puis il reviendra à l'Assemblée et au Sénat. Cela nous mène sans doute jusqu’au début de l’année 2025. Et ces allers-retours vont permettre l’adoption d’amendements, dont beaucoup pour revenir au projet de loi initial, plus restrictifs. Les groupes parlementaires ne vont pas donner de consignes de vote. Chacun se prononcera selon sa conscience.