"Ubuesque et hypocrite": la colère des restaurateurs après le report de la loi immigration

La Première ministre a dévoilé ce mercredi la feuille de route du gouvernement des "100 jours", promis par Emmanuel Macron. Dans le même temps, elle a annoncé que le projet de loi sur l'immigration était reporté.
Ce nouveau changement de calendrier déçoit certains dans les secteurs professionnels où le recrutement est difficile. En effet, le gouvernement voulait créer une carte de séjour pour les "métiers en tension", d'une validité d'un an.
Le titre devait concerner tout étranger en situation irrégulière "qui a exercé une activité professionnelle salariée figurant dans la liste des métiers" en tension "depuis au moins 8 mois sur les 24 derniers mois" et qui vit en France depuis au moins trois ans.
"Tout le monde est au courant"
"Ce report est dramatique", déplore Jean Ganizate, fondateur associé des restaurants Melt à Paris. Les restaurateurs interrogés sont unanimes: l'hypocrisie va perdurer.
Dans la restauration, particulièrement à Paris, les sans-papiers sont nombreux. Cela se fait souvent à l'insu des patrons, car les employés présentent des faux-papiers. C'est arrivé dix fois à Jean Ganizate: "On va continuer à embaucher des gens qui nous présentent des papiers, jusqu'au moment où la personne est suffisamment en confiance pour nous dire 'en fait ça fait deux ans qu'on te ment'.
"La majorité des restaurants à Paris emploie des gens qui sont sous alias. C'est la réalité, tout le monde est au courant, je pense que le gouvernement est au courant", précise-t-il.
200.000 emplois vacants dans le secteur
Lui a toujours choisi de demander leur régularisation, possible au terme d'une procédure longue et coûteuse. Sinon, il faut licencier: un crève-coeur alors que 200.000 emplois sont vacants dans le secteur.
"On va se retrouver dans l'obligation de, soit fermer des jours, soit réduire le nombre de couverts. Pour le moment, on tourne en rond", explique de son côté Vincent Sitz, chargé de l'emploi et de la formation au syndicat GNI-HCR.
Selon lui, la mesure sera enterrée et il ne comprend pas pourquoi. Même déception et même sentiment du côté de l'Association française des maîtres restaurateurs. Son président, Alain Fontaine, était l'invité d'Apolline Matin sur RMC et RMC Story, ce jeudi.
"On a une très grosse déception. Retarder encore cette mesure de régularisation était une crainte pour nous car il y a des gens en souffrance administrative, à la porte de nos restaurants et dans nos restaurants. Il y a une vraie demande notre côté" explique le chef du restaurant le Mesturet à Paris.
"On a payé pour les former"
Alain Fontaine dénonce une situation "ubuesque et hypocrite": "Ils ont été formés dans nos écoles. On a payé pour former ces gens et on ne peut pas les régulariser" explique-celui qui note que 26% des cuisiniers en Ile-de-France sont issus de l'immigration.
Pour lui l'hypocrisie est aussi dans l'entrée dans une "société de loisirs": "beaucoup veulent en profiter et que les horaires décalés, des métiers comme la restauration, ne sont plus attractifs pour des gens qui veulent profiter de la société."