Tancée par Emmanuel Macron et les sénateurs, l'écriture inclusive devient un combat politique

L’écriture inclusive est sous le feu des critiques du président de la République, qui inaugurait ce lundi la Cité internationale de la Langue française, et des sénateurs, qui ont adopté dans la foulée, à une très large majorité, une proposition de loi pour l’interdire.
Emmanuel Macron n'avait pas attendu ce vote pour sortir l’artillerie lourde: "Il ne faut pas céder aux airs du temps”, dit-il. Dans notre langue, "le masculin fait neutre, on n’a pas besoin d’y ajouter des points au milieu des mots", ajoute le chef de l'Etat.
A l’école, on a appris que "le masculin l’emporte sur le féminin". La formule évidemment est un peu datée, et pas très bienvenue. "Le masculin fait le neutre" a préféré Emmanuel Macron. Mais en clair, si on parle des "auditeurs" en général, cela inclut aussi les femmes qui écoutent RMC.
L’écriture inclusive, c’est l’idée de faire évoluer la langue, pour rendre visibles les femmes. Il y a plusieurs façons de faire. On peut rallonger la phrase: "nos auditeurs et nos auditrices". C’est le fameux "bonjour à toutes et tous". Il y a aussi l’idée d’utiliser des formules neutres pour ne froisser personne. Par exemple, au lieu des droits de l’homme, parler de "droits humains".
Tout ça, a priori, ne pose pas vraiment de problème. Ce qui fait débat, c’est le fameux point médian, au milieu du mot. La pratique s’est peu à peu développée. On écrit selon ces principes les auditeur.rice.s. Cela ne marche pas du tout à l’oral, c’est moche, et c’est illisible à l’écrit, disent ses détracteurs. Pour l’Académie française, c’est même "un péril mortel" pour notre langue.
Les sénateurs votent une loi pour interdire l'écriture inclusive à de nombreux documents
Et c’est ça que veulent interdire les sénateurs. Avant eux, il y a déjà eu deux circulaires: l’une du Premier ministre Edouard Philippe, à l’époque en 2017, pour la bannir des textes officiels, une autre signée par Jean-Michel Blanquer pour la proscrire des salles de classe.
La loi votée lundi soir par les sénateurs va plus loin en élargissant cette interdiction à toutes sortes de documents: contrats de travail, règlements intérieurs, modes d’emploi, et tous les actes juridiques qui seraient même considérés comme irrecevables s’ils emploient l’écriture inclusive.
Et puis les sénateurs ont aussi voté pour bannir tous les nouveaux pronoms dits "non genrés": "iel" par exemple, contraction d'il et elle, néologisme utilisé par les personnes non binaires et qui ne veulent être désignés ni au masculin ni au féminin. "Iel" est pourtant entré dans le dictionnaire Le Petit Robert l’année dernière. Et il y en a plein d’autres: "ellui", mélange d'elle et lui, "celleux", pour celles et ceux.
Ce que disent les sénateurs, c’est que notre langue est déjà en situation de fragilité: baisse du niveau des élèves, anglicisation de la société... Pour eux, l'écriture inclusive ne fait que rajouter de la complexité, qui pénalisera les plus en difficulté.
Une question très politique
Le sujet devient politique et l'objet d'affrontements idéologiques. Au Sénat, les socialistes ont dénoncé un texte "rétrograde et réactionnaire", venu d’un courant qui lutte contre la visibilité des femmes.
Pour la gauche, cela fait partie du combat pour l’égalité quand la droite dénonce "une idéologie mortifère".
La langue française "appartient à ceux qui la parlent" a ajouté Jean-Luc Mélenchon sur X (anciennement Twitter).
A droite, les parlementaires répondent que non, l’écriture inclusive n’est pas le fruit d’une évolution spontanée, mais le résultat d’une démarche militante.
Pour Marine Le Pen, c’est même “une sinistre et grotesque manifestation du wokisme”, qu’elle veut éradiquer. Le RN avait d’ailleurs mis en débat à l’Assemblée, il y a 15 jours, une proposition de loi assez similaire. Le texte avait été retiré, sans aucune chance d’être adopté.
On verra si cette fois, la majorité se saisit du sujet. Car il ne faut pas oublier qu’Emmanuel Macron était sur les terres du RN ce lundi à Villers-Cotterêts, lorsqu’il a dit ça.
Et d’ailleurs, la ministre de la Culture, lundi soir au Sénat, ne s’est pas opposée à la proposition des LR, même si elle estime qu’il ne faut pas tomber dans l’excès, ni faire la "police de la langue".