Utilisation de l'acétamipride dans l'agriculture: comment lutter contre la concurrence déloyale?

Action symbolique dans le Bas-Rhin. Une trentaine de producteurs agricoles ont visé, ce mercredi 20 août, cinq supermarchés du département pour y retirer des articles contenants, selon eux, de l'acétamipride.
Les Jeunes agriculteurs et la FNSEA veulent protester après la révocation de la réintroduction du pesticide décidée par le Conseil constitutionnel au début du mois d'août. La très décriée loi Duplomb, adoptée début juillet, devait normalement réintroduire ce néonicotinoïde interdit en France depuis 2018. Ce rejet de la part du Conseil constitutionnel a provoqué la colère du secteur agricole, ce pesticide étant toujours autorisé jusqu’en 2033 dans l’Union européenne.
Ce mercredi, en Alsace, les agriculteurs ont ciblé cinq supermarchés. Ils sont allés faire la chasse aux produits importés qui contiennent, selon eux, de l'acétamipride. Dans leurs chariots et palettes, ils ont entassé des tas de pots de pâtes à tartiner, notamment de Nutella, mais aussi les tablettes de chocolat de la marque Nestlé, des M&Ms, des fruits, et même des colliers pour chien.
Mettre en avant une incohérence
Leur objectif: montrer à quoi ressembleraient les rayons des grandes surfaces si tous les produits contenant le pesticide étaient interdits. "On nous les interdit sur nos fermes, on ne peut pas les utiliser alors qu'on est formé pour l'utilisation de produits phytosanitaires. Et de l'autre côté, le consommateur peut l'acheter en rayon dans les supermarchés", déplore Franck Moser, secrétaire général adjoint des Jeunes agriculteurs du Bas-Rhin. L'idée des agriculteurs est la suivante:
"Si vous retirez l’acétamipride de nos champs, alors retirez-le de nos rayons".
Franck Sander, président des betteraviers français et vice-président de la FNSEA, attend un geste fort du gouvernement français: "Maintenant que la France a interdit, qu'elle aille au bout de sa logique, c'est-à-dire retirer tous les produits qui ne respectent pas les normes de production et normes sanitaires françaises."
Ce n’est pas leur première action de ce type. Au début du mois d’août, les agriculteurs de Dijon avaient retiré des bouteilles anti-fourmis des rayons de magasins de bricolage. Certains apposent des autocollants sur des fruits et légumes ou autres produits importés.
La clause de sauvegarde
La FNSEA et la Coordination rurale demandent surtout la réintroduction du pesticide. Quant à la Confédération paysanne, syndicat classé à gauche, cette dernière est contre ce pesticide "tueur d’abeilles", mais réclame une "clause de sauvegarde" pour se protéger de la concurrence déloyale.
Cela consiste à interdire l'importation de produits spécifiques. Ces clauses de sauvegardes sont autorisées par le droit européen pour empêcher l’importation d’un produit en cas d’urgence, et en cas de risque sérieux pour la santé et pour l’environnement.
La France en a déjà mis en place, en 2016 et plus récemment, en 2023 puis 2024, pour interdire l’importation de cerises traitées avec trois insecticides. À chaque fois, la France a utilisé ce mécanisme soit parce que les pesticides en question étaient interdits partout ailleurs en Europe, soit parce que le risque à long terme pour la santé était avéré.
Mais les spécialistes estiment qu'une clause de sauvegarde sera difficile à mettre en place pour l'acétamipride, parce que ce pesticide est utilisé par de nombreuses filières en Europe (les noisettes, le miel, les prunes, les pommes, les poires, les betteraves, etc.).
Annie Genevard veut une "harmonisation des règles" au niveau européen
Ce sera également difficile parce que l’Union européenne encadre déjà son utilisation, avec des doses limitées, pour préserver la santé du consommateur. Alors, faute de justification sanitaire, une clause de sauvegarde dans le cas de l’acétamipride contreviendrait aux règles de libre circulation des produits au sein du marché européen.
La ministre de l'Agriculture Annie Genevard assure, de son côté, vouloir poursuivre le travail pour obtenir plus de cohérence, comme le réclament les syndicats agricoles. La membre du gouvernement souhaite une meilleure "harmonisation des règles".
En attendant, la ministre appelle les consommateurs à un sursaut de patriotisme alimentaire. Quant à la piste d’activer la fameuse "clause de sauvegarde", Annie Genevard ne s'est pas exprimée à ce sujet.