Le rôle de Total dans le changement climatique a-t-il été minimisé?

C’est l’histoire d’un grand mensonge, histoire qui s'étale sur plusieurs décennies. Tout commence en 1971, il y a exactement 50 ans lorsque le magazine interne de Total, qui s’appelle Totale Information, publie un long article d’un géographe François Durand Dastès. Un des pionniers de la question climatique, un homme qui est toujours vivant et qui a aujourd’hui 90 ans.
Dans cet article, il explique que l’homme brûle toujours plus de pétrole, ce qui libère d’énormes quantités de gaz carbonique. Il alerte qu'à ce rythme une augmentation des températures est à craindre, entraînant une fonte au moins partielles des calottes glaciaires des pôles et l'élévation du niveau de la mer, avec des conséquences catastrophiques faciles à imaginer. Tout cela est aujourd’hui une évidence. En 1971, c’était tout à fait nouveau.
Et qu’a fait Total de ces informations ?
Rien dans un premier temps, absolument rien. C’est ce que démontre cette étude réalisée par trois chercheurs français et américains qui se sont plongés dans les archives des deux géants pétroliers français, Elf et Total, qui ont fusionné en 1999 pour devenir Total.
Pendant au moins 15 ans, ces deux entreprises ont mené une politique d’attentisme face à ces questions. C’était silence radio, moins on en parle mieux on se porte. Puis au milieu des années 80, la pression est devenue plus forte.
En 1986, le directeur de l'environnement d'Efl écrit un nouveau rapport au comité exécutif. Il constate que tous les modèles sont unanimes pour prédire un réchauffement de la terre. L’accumulation de gaz dans l'atmosphère et l’effet de serre qui en résulte vont inévitablement modifier notre environnement.
Et la conclusion de ce rapport en 1986, ce n’est pas qu’il faut commencer à réfléchir à la sortie du pétrole, c’est que l’industrie du pétrole risque d'être attaquée et qu’elle doit se préparer à se défendre.
Et c’est ce qui s’est passé, les pétroliers se sont défendus
À partir de cette date, ils savent qu’ils ne peuvent plus ignorer la question et ils adoptent une politique plus offensive que les auteurs appellent la “Fabrique de l'ignorance”.
C'est-à-dire qu’ils entretiennent le doute. “On sait que la terre se réchauffe, mais on ne sait pas exactement si l’homme en est vraiment à l’origine. Et on ne sait pas de combien de degrés, les températures vont augmenter, ni à quelle échéance.
Elf et Total financent les travaux des chercheurs climatosceptiques ou moins alarmistes que leurs confrères. Au sommet de la terre à Rio en 1992, Total distribue un dossier pour dénoncer les prévisions apocalyptiques des spécialistes du climat. Cela s’appelle faire du lobbying actif.
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Les trois chercheurs estiment que la responsabilité de Total pourrait être engagée. Non pas pour ses silences des années 70, mais plutôt pour ses mensonges pendant 20 ans, du milieu des années 80 au milieu des années 2000. Il y aura peut-être un jour des procès.
En fait, il se passe aujourd'hui en France ce qui est arrivé il y a plusieurs années aux Etats-Unis. Exactement, tout le travail réalisé aujourd’hui sur Total ressemble furieusement à ce qui est arrivé avec Exxon en Amérique. Des documents ont prouvé que le géant Américain connaissait dès 1979 les dangers du pétrole pour le climat, mais a prétendu le contraire. Des poursuites sont en cours.
Et tout cela fait aussi furieusement penser aux mensonges de l’industrie du tabac, qui pendant 50 ans a dépensé sans compter pour faire croire que le tabac n'était pas responsable des cancers du poumon. Les fabricants de tabac américains ont finalement dû payer deux fois des amendes de 200 milliards de dollars.