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Les états généraux de l'agriculture et de l'alimentation sont globalement un échec

Pascal Canfin, directeur du WWF France.

Pascal Canfin, directeur du WWF France. - AFP

Dans une étude publiée mardi, le WWF France indique que 70% des Français sont disposés à changer leurs habitudes alimentaires en faveur de la production responsable. Des chiffres en décalage total avec les travaux des Etats généraux de l'agriculture et de l'alimentation selon Pascal Canfin, ancien ministre et directeur de l'ONG.

Pascal Canfin est le directeur de l'ONG WWF France, qui participe aux états généraux de l'agriculture et de l'alimentation. Il a été ministre délégué au Développement jusqu'en 2014.

"Ce qu'on peut retenir de notre enquête, c'est qu'en 20 ans, les chiffres ont complètement changé sur la consommation des produits bio. Il y a 20 ans, un tiers des Français consommait régulièrement du bio. Aujourd'hui, on est à deux tiers qui en consomment très souvent ou régulièrement, et un tiers qui n'en consomme pas. La proportion s'est totalement inversée, c'est un changement de société important.

Le deuxième élément, c'est que les Français sont très majoritairement convaincus aujourd'hui qu'il y a un lien entre la présence de pesticide et un danger pour leur santé. Donc ils demandent qu'on sorte rapidement des pesticides, et en attendant qu'on en sorte, qu'on informe les consommateurs pour que sur les étiquettes on puisse savoir quel produit comporte des pesticides.

"On est dans une guerre de tranchées"

Les Français sont totalement conscients des problèmes, à la fois pour leur santé et pour la planète, ils sont déjà partis. Le sujet maintenant c'est que les politiques arrêtent d'être à la traine de cette évolution culturelle. Aujourd'hui, je constate que les Etats généraux de l'agriculture et de l'alimentation sont globalement un échec. Au lieu de mettre différents points de vue autour de la table pour construire le nouveau modèle agricole adapté aux attentes des Français et au fait que les agriculteurs ont besoin de revenus supplémentaires. Pour avoir ces revenus supplémentaires il faut justement qu'ils diminuent les pesticides, qu'ils vendent des produits de meilleure qualité, bio, en circuit court.

Les états généraux devraient être ce moment où on refonde le modèle agricole et alimentaire français. Au lieu de ça on est dans une guerre de tranchées, avec un ministère de l'Agriculture qui pilote ces états généraux, puisque Nicolas Hulot a été sorti du jeu. C'est un pilotage à l'ancienne, avec uniquement la FNSEA qui truste une très grande partie des présidences d'ateliers. Et avec une absence totale de vision sur la transition et les attentes de la société.

"On attend un recadrage formel du président de la République"

Je trouve ça assez pathétique. La cinquantaine d'ONG présente dans ces états généraux est toujours prête à jouer le jeu. Mais on attend désormais beaucoup du discours du président de la République, mercredi, pour qu'il recadre la façon dont ces états généraux fonctionnent. Sinon, honnêtement, la montagne accouchera d'une souris.

Autour des tables des différents ateliers, il ne se dit pas grand-chose. On est dans une sorte de discours qui n'a aucune vision. Dès qu'un sujet fâche, par exemple les pesticides, on nous dit 'ah bah non, on ne va pas en parler maintenant'. Donc tout ça ne sert à rien. C'est pour ça qu'on attend un recadrage formel du président de la République pour qu'on sache exactement si ces ça vaut le coup de jouer le jeu ou pas de ces Etats généraux.

Si les choses ne changent pas ce sera une occasion manquée. C'est d'autant plus dommage que les Français sont prêts. Que parmi les Français, l'électorat qui a voté pour Emmanuel Macron est encore plus demandeur de cette transition agricole. Enfin, il n'y a aucune contradiction entre la création de valeur économique pour les agriculteurs et la création de valeur écologique pour la société et les consommateurs".

Propos recueillis par Antoine Maes