Si on ne prend pas des mesures, on souffrira de plus en plus de la chaleur en ville

Selon une étude de la revue Nature Climate Change publiée lundi les températures pourraient augmenter de 8°dans les villes les plus peuplées d'ici 2100. - Pascal Pavani - AFP
Erwan Cordeau, chargé d'études air, énergie et climat, à l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France.
"Si l'on souffre plus de la chaleur en ville, c'est parce qu'on a construit des villes très minérales. Nous avons eu après-guerre un besoin urgent de logements et, à cette période-là, on ne pensait pas au bio-climatisme. On a densifié, on a asphalté notamment pour la circulation automobile. Nous avons ainsi produit des espaces au sol très minéraux et de grands volumes de bâtis. C'est autant de surfaces qui vont intercepter les rayons du soleil et emmagasiner la chaleur la journée pour la restituer la nuit. Les villes ne se refroidissent pas la nuit comme à la campagne où les champs et les forêts se rafraîchissent très vite.
"Il y a une prise de conscience, mais…"
Il y a une prise de conscience, notamment sur les nouvelles constructions qui intègrent ce paramètre. Mais la réponse va se faire progressivement. Il y a tout un tas de solutions possibles pour 'rafraîchir' les villes mais cela va se faire très lentement. Nous avons un stock de bâti ancien très important, le réhabiliter ou créer un nouvel écoquartier qui intègre ces solutions d'adaptations au réchauffement, cela prend du temps.
L'enjeu est majeur. Si on n'intègre pas le bio-climatisme dans les nouvelles constructions, c'est sûr que l'on va souffrir de plus en plus de la chaleur dans les grandes villes. Certaines villes sont conscientes aujourd'hui qu'il faut végétaliser, réserver du sol de pleine terre, protéger le bâti avec des toits végétalisés… C'est la présence de l'arbre qui amène de l'ombrage. S'il n'y a pas la place pour planter des arbres il y a d'autres possibilités: intégrer des persiennes, ou systématiser les volets par exemple.
"Il faut faire revenir l'eau dans nos villes"
Il faut également faire revenir l'eau dans nos villes. Longtemps synonyme de miasmes, elle a disparu pour des raisons d'hygiène. On a chassé l'eau de la ville, on a enfoui les rivières mais c'est un manque important aujourd'hui. Il faut des sols de pleine terre qui stockent l'eau de manière naturelle. Il faut remettre - dès que l’espace n’est pas trop contraint - des sols de pleine terre avec de la végétation, des revêtements de voirie et d’espaces publics mieux pensés (plus réfléchissants, plus drainants…), c’est une action permanente et urbaine de base.
Une ville revégétalisée, avec plus d'arbres, c'est ce que les citoyens réclament, et c'est ce qui est adapté au changement climatique. En prendre conscience, c'est l'opportunité de répondre aux attentes des citoyens d'une ville mieux adaptée à la vie quotidienne.
"Repérer les personnes âgées isolées"
C'est vrai qu'il y a des îlots très compacts dans la ville qui sont difficiles à réaménager, mais on peut alors prendre des mesures d'urgence lors des épisodes sévères de vague de chaleur. La mairie de Paris par exemple ouvre désormais ses parcs et espaces verts la nuit au public en cas canicule. C'est une réponse immédiate et de proximité qui permet aux habitants de se rafraîchir.
On peut inciter ou faciliter l’accès aux salles climatisées, les musées en journée ou les cinémas pour permettre aux habitants de se rafraîchir. Il y a aussi la solution comportementale, comme le repérage des personnes isolées, fragiles et âgées, pour leur apporter une assistance personnalisée pendant les périodes de canicule."
>> La carte interactive de l'Institut d'aménagement et d'urbanisme d'Ile-de-France qui permet aux Franciliens de voir comment leur quartier réagit à une canicule, c'est ici.