Quelles solutions face à la crise climatique?
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La marche semble haute. Très haute. Les experts du Giec ont publié le troisième volet de leur sixième rapport. C'est le résultat de plusieurs mois de travail de plus de 270 chercheurs: plus de 18.000 études scientifiques y sont compilées, décortiquées et synthétisées. La conclusion est alarmante: il nous reste trois ans pour garder une planète vivable. Trois ans pour inverser la courbe des émissions de gaz à effet de serre qui ne fait que grimper, sinon il sera impossible de limiter le réchauffement à plus d’1,5°C.
Miser sur la sobriété
Ce rapport porte cette fois-ci sur les solutions avec tout un chapitre sur nos comportements individuels avec un compilation d'une soixantaine de préconisations pour tout un chacun: consommer moins, limiter le gaspillage, se déplacer à vélo ou à pieds, télé-travailler, installer des panneaux photovoltaïques... en gros miser sur la sobriété.
Julia Steinberger est l'une des autrices du rapport. Elle a lancé un appel aux citoyens cette semaine:
"Des possibilités existent mais ça ne veut pas dire qu’elles vont être adoptées. On implore tout le monde de prendre ce message à cœur et de faire parti de ceux qui vont agir pour ce changement, sinon on n’y arrivera jamais."
Ce samedi, la Matinale Week-End de RMC a demandé a ses auditeurs quels efforts étaient-ils prêts à faire pour lutter contre la crise climatique et c'est d'abord l'option "renoncer à l'avion", le mode de transport le plus polluant (jusqu'à 40 fois plus que le train), qui est arrivée en tête devant "acheter de la seconde main" et "passer à la voiture électrique".
Des politiques publiques pour accompagner
Mais est-ce que c'est suffisant? Des nombreux internautes font remarque que sans efforts des grandes entreprises et des politiques, les petits efforts individuels ne serviront à rien. Et en effet, le Giec le dit bien: tout le monde doit retrousser ses manches et compter seulement sur la motivation des citoyens ne suffira pas. Il faut des politiques publiques pour les accompagner.
Cyril Dion, invité de la Matinale Week-End de RMC, est d'accord avec cette solution. Pour lui, "ce qui va tout changer, c'est la structuration de la société":
"On a besoin d'une société plus sobre, où on consomme moins de matière, on réutilise plus de déchets, où on va vers une alimentation plus végétale, où on isole mieux les bâtiments..."
Cyril Dion, infatigable combattant du changement climatique, est pourtant souvent découragé dans cette lutte contre le climat ou plutôt "oscille entre le découragement et reprendre de l'énergie surtout quand on voit la trajectoire que le changement climatique est en train de prendre." Mais il y a des motifs d'espoirs car "il y a de plus en plus de gens qui prennent conscience même si ça ne se traduit pas dans les faits", estime le réalisateur d'Animal.
"Mais tout ça, ça ne peut se faire qu'à travers de grandes orientations. On ne peut pas attendre que ce soit simplement les individus qui changent", estime l'écrivain et réalisateur.
Un avion qui vole à l'huile de friture
Les grandes entreprises sont aussi concernées. L'une des recommandations du Giec pour le secteur des transports, l'un des secteurs d'activité les plus polluants au monde, c'est le développement des biocarburants, qui émettent 80% d’émissions de CO² en moins par rapport à du kérosène classique.
Dans ce domaine les expérimentations se multiplient, comme ce vol de trois heures d'un A380 entre Toulouse et Nice (en faisant quelques détours), entièrement alimenté par de l’huile de cuisson usagée, qui a eu lieu cette semaine. Cette performance technologique a été réalisée par Airbus et TotalEnergies –qui fournit ce biokérosène, produit en Normandie et issu de la transformation d’huiles de friture.
Faire voler un avion à la friture, ça peut sembler un peu fou mais c’est une piste très sérieusement envisagée par les avionneurs et les compagnies aériennes. Le secteur s’est engagé à la neutralité carbone d’ici 2050, ce qui n’est pas un petit défi. Avec l’huile de friture, les avantages sont assez clairs : ce sont des biocarburants, mais de deuxième génération, c'est-à-dire issus de la réutilisation de déchets.
Malgré tout, il reste totalement irréaliste de vouloir alimenter tout le trafic aérien mondial avec cette technologie, très intéressante sur le papier mais qui se heurte à quelques écueils: son prix qui est quatre à cinq fois plus cher que le kérosène, et la quantité de production. D’ici 2025 on produira 1 à 3 milliards de litres de biokérozène, soit 1% de la consommation mondiale du secteur aérien en carburant.
Le biokérozène peut donc être une option parmi d’autres mais pas LA solution absolue. Elle présente aussi un deuxième avantage non négligeable: ce biocarburant est directement compatible avec les moteurs d’avion existants et donc très pratique à mettre en place. A partir de cette année, tous les vols partant de France doivent intégrer 1% de SAF dans le réservoir, ce sera 2% l’an prochain et 5% en 2030.
Pas de solution parfaite: l'avion à hydrogène
L’autre piste privilégiée, ce sont des avions à hydrogène. Très prometteurs sur le papier, ils vont demander un énorme travail d’adaptation. Pendant le vol, ils n'émetteraient qu'un peu de vapeur d’eau. Mais là il faut tout réinventer avec des moteurs à hydrogène, des espaces de stockage . Sans compter que cet hydrogène doit être produite et qu'aujourd’hui 95% de l’hydrogène est produit en utilisant des énergies fossiles. D’où l’importance de développer de l’hydrogène décarboné (« hydrogène vert »), par électrolyse de l’eau, en utilisant des énergies renouvelables comme le nucléaire, l’éolien, l’hydroélectrique.
Il n’existe pas UNE solution parfaite, mais un panel de solutions imparfaites pour répondre aux enjeux environnementaux et économiques et pousser ceux qui ne veulent plus prendre l’avion pour des raisons écologiques à monter à nouveau à bord.
Et ce sont aussi aux plus riches de la planète de prendre leur part. D'abord, parce que ce sont eux qui peuvent faire des efforts tout en conservant leur confort, mais aussi parce que ce sont eux qui polluent le plus: les 10% des plus riches représentent entre 36% et 45% des émissions totales de gaz à effet de serre.