Comptage d'élèves absents pour l'Aïd: "Les préjugés doivent circuler au ministère de l'Intérieur"

Le ministère de l'Intérieur a finalement reconnu avoir demandé dans certaines académies une "évaluation du taux d'absentéisme constaté à l'occasion de l'Aïd al-Fitr", le 21 avril, mais nie tout "fichage", a assuré dimanche soir la secrétaire d'Etat chargée de la citoyenneté Sonia Backès face à l'indignation suscitée par l'initiative.
Des policiers ont donc bien demandé à des établissements scolaires de leur transmettre le taux d'absentéisme à l'occasion de l'Aïd. "Le ministère de l'Intérieur et des Outre-mer étudie régulièrement l'impact de certaines fêtes religieuses sur le fonctionnement des services publics, et notamment au sein de la sphère scolaire. C'est dans ce cadre qu'une évaluation du taux d'absentéisme constaté à l'occasion de la fête de l'Aïd al-Fitr, le 21 avril dernier, a pu être demandée, dans certaines académies, aux chefs d'établissement ", a indiqué Sonia Backès dans un communiqué.
Mais elle se défend: "Aucune donnée nominative a été ni demandée ni recensée à aucun moment", précise la secrétaire d'Etat qui affirme que l'initiative ne relevait pas d'une volonté de "fichage" des élèves en fonction de leur confession.
"Pour quelle autre fête religieuse cela a été fait?"
Pour le président de SOS Racisme Dominique Sopo, invité d'"Apolline Matin" sur RMC et RMC Story, les policiers ont d'abord court-circuité les services de l'Éducation nationale et du rectorat: "Il y a plusieurs fêtes religieuses pour lesquelles l'absence est tolérée depuis une circulaire depuis 2004. Les établissements n'ont donc pas besoin qu'il y ait des relevés par le ministère de l'Intérieur, ce qui ne va pas beaucoup aider les établissements vu qu'ils arrivent après".
"Il y a beaucoup de préjugés qui doivent circuler pour faire ce type de relevés. La secrétaire d'Etat assure que ces relevés sont faits régulièrement, j'aimerais bien savoir pour quelle autre fête religieuse cela a été fait? Et en quoi il y aurait un impact de l'absentéisme des élèves le jour de l'Aïd sur le fonctionnement de l'Éducation nationale?", s'interroge Dominique Sopo.
Le président de SOS Racisme s'interroge sur toute l'utilité de ce fichage, qui émane du ministère de l'Intérieur. "Le ministère de l'Éducation nationale a besoin du ministère de l'Intérieur pour s'organiser? Aujourd'hui, ce n'est pas très compliqué de savoir qui est absent ou pas, car tout est informatisé", rappelle-t-il, ajoutant avoir peu de doute quant à la volonté de ciblage des populations musulmanes par le ministère de l'Intérieur.
L'affaire embarrasse en tout cas l'exécutif. Et divise. Interrogé ce week-end par Mediapart, le cabinet de Pap Ndiaye maintient qu’il "ne s’agit pas d’une initiative du ministère de l’Éducation nationale" et renvoie la balle vers le ministre de l'Intérieur, ajoutant que le ministère de l'Éducation n'a jamais reçu aucun signalement sur un éventuel "bond" d'absences en 2023 le jour de l'Aïd.