"Il faut un vrai Grenelle de nos quartiers": l’appel de Mohamed Mechmache après les émeutes

Comment éviter que les quartiers sensibles s’enflamment à nouveau? Pour Mohamed Mechmache, co-fondateur du collectif AC le feu, la reconstruction d’urgence, demandée par Emmanuel Macron après les dégâts provoqués par les émeutes qui ont suivi la mort du jeune Nahel à Nanterre d’un tir policier, ne sera pas suffisante. Selon lui, il faut régler "la question humaine et sociale" avec un "Grenelle des quartiers".
"Il faut reconstruire bien entendu les écoles et les infrastructures, c’est nécessaire et important. Mais ça ne suffit pas, explique-t-il dans ‘Apolline Matin’ ce mardi sur RMC et RMC Story. Il faut qu’on aille beaucoup plus loin, qu’on puisse mettre en place un vrai Grenelle pour ces banlieues. Sur la justice sociale, le compte n’y est pas. Il y a des efforts qui ont été faits, des sites éducatifs, des dédoublements de classes. Mais en dehors de ça, il va falloir aller beaucoup plus loin. Dans ces quartiers, s’il n’y a pas le droit commun, et il faut se poser la bonne question de pourquoi on en est arrivé là, c’est clair qu’on ne règlera rien. On discute à chaque fois des conséquences. Si la question humaine et sociale n’est pas du tout réglée sur les problèmes de fond, on risquera de se retrouver dans la même situation dans quelques années."
"La rénovation urbaine, ce n’était pas un cadeau pour les habitants"
Selon Mohamed Mechmache, les investissements des dernières décennies n’ont pas permis d’améliorer la vie quotidienne dans ces quartiers. "Le taux de chômage explose, les services publics n’y sont pratiquement plus… Quand la police est présente, les relations avec la population se dégradent. Dans ces quartiers, vous n’avez pas non plus les professeurs les plus aguerris. Et quand un professeur est absent, qu’il n’est pas remplacé tout de suite, le gamin part avec des difficultés supplémentaires. Il y a l’accès au soin, aussi. Pendant le Covid, c’est là où il y a eu le taux le plus grave. La précarité, la pauvreté, gagnent dans ces quartiers. Vous grandissez dans cette précarité et vous voyez la violence. Je ne cherche pas d’excuses, mais j’essaye d’apporter des explications pour qu’on comprenne bien qu’à un moment ou à un autre, il faut absolument qu’on s’attaque aux causes. Les conséquences, on va à chaque fois en reparler. En 2005, l’état des lieux avait été fait. Le problème n’a pas été réglé. Il faut qu’on aille plus vite, plus loin."
"L’argent qui a été versé dans ces quartiers n’a pas été fléché en direction des habitants, malheureusement. Il y a eu différents dispositifs, qu’il aurait fallu évaluer, ajoute le co-fondateur d’AC le feu. La rénovation urbaine était nécessaire. Quand vous vivez dans des logements insalubres, pendant 30 ans, cela devient une zone de non-droit. La rénovation urbaine, ce n’était pas un cadeau pour les habitants. Ils ont payé trois fois le prix de leurs anciens appartements. Mais la question urbaine ne règle pas la question sociale et humaine. Si vous continuez à mettre du neuf avec des gens qui sont très pauvres, des conditions sociales aggravées, et une jeunesse qui a du mal à savoir si ce sont des citoyens à part entière, on ne règlera pas le problème du fond. Certains pensent qu’on a déversé des milliards, mais ils ont été déversés sur de l’urbain, pas sur la question humaine et sociale. Et le fléchage ne sait pas fait comme il devait se faire."