"On a fui la guerre, on nous fout à la rue": le plus grand squat de France évacué avant les JO

Le plus grand squat de France - qui a abrité jusqu'à 450 migrants, en situation régulière pour la plupart selon les associations - était en cours d'évacuation mercredi matin dans la banlieue sud de Paris, à 100 jours des Jeux olympiques, ont constaté des journalistes de l'AFP.
L'opération, attendue depuis plusieurs jours, se déroulait dans le calme. Une partie des sans-abris qui avaient trouvé refuge dans cette entreprise désaffectée de Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne) avaient quitté les lieux les jours précédents.
250 agents mobilisés
Quelque 250 agents ont été mobilisés pour cette opération, selon la préfecture du Val-de-Marne. Des mises à l'abri sont prévues pour les personnes délogées, en Ile-de-France et en région, par exemple à Bordeaux.
Ahmed, 30 ans, est en France depuis seulement trois semaines. Il a fui le Soudan en guerre et est demandeur d'asile. "J'ai une femme enceinte de 5 mois et un bébé de 17 mois. La situation est compliquée, on ne sait pas ce qu'on devrait faire", explique-t-il au micro de RMC. "On va certainement être dans la rue".
"Assurer l'avenir de nos enfants"
Ce dernier ne cache pas son énervement. "On a fui la guerre pour venir chercher de quoi assurer l'avenir de nos enfants. On nous fout à la rue", regrette-t-il, estimant que cela pourrait donner une "mauvaise image de la France". "Les femmes et les enfants, ils vont aller où? Ils vont retourner au Soudan ?", s'interroge-t-il.

Des valises à la main, qui contiennent les effets de toute leur vie en France, le visage inquiet, les quelque 300 occupants qui restaient encore - hommes, femmes, enfants - ont quitté les lieux peu après 8h. Ils logeaient dans ces locaux depuis plusieurs mois pour certains, faute de trouver un logement dans le parc privé, ou en attente d'un logement social.
"C'est très dur, il y a trop de froid, de bagarres, des vols, des menaces", déplore Adam, venu du Tchad il y a 5 ans. Retourner dans la rue, Django espère pouvoir l'éviter. Il compte sur ses amis pour l'héberger, ne serait-ce que quelques jours.
"Victimes des marchands de sommeil"
Selon l'association United migrants, qui leur apporte régulièrement son aide, 80% d'entre-eux sont en situation régulière en France. Depuis plusieurs mois, le collectif le Revers de la médaille, qui regroupe des associations venant en aide aux personnes précaires vivant dans la rue, alerte sur le sort des sans-abris dont les camps de fortune sont démantelés à un rythme plus soutenu à l'approche des JO (26 juillet - 11 août) selon ce collectif.
"Au bout de quelques semaines, l'hébergement va s'arrêter, il vont se retrouver à la rue et seront victimes des marchands de sommeil. L'hébergement chez un ami, ce n'est pas une solution", explique Romain Prunier, de l'association United migrants.
"Je vais aller où?", s'interroge Mohammed
C'est dans ce squat qu'habitait depuis trois ans Mohammed Sayed, Erythréen. Il a le statut de réfugié, travaille dans la maintenance électrique à Eiffage en CDI, mais ne trouve pas de logement. "Ce n'est pas que je suis content d'être là, mais je vais aller où ?", s'interroge le quadragénaire auprès de l'AFP, sa grosse valise à roulettes à côté de lui.
Selon Paul Alauzy, qui travaille pour Médecins du monde, cette nouvelle évacuation est liée aux Jeux olympiques. "Cela fait un an qu'on assiste à des expulsions et les squats évacués restent toujours vides", dit-il à l'AFP.
"Selon la préfecture, le propriétaire veut récupérer les lieux pour faire des travaux car un tramway doit passer par ici. On a pas vu à ce jour de permis de construire, or, ca prend 5 mois. On va donc avoir un bâtiment vide surveillé tandis qu'on va continuer à soigner des gens dans la rue et dont la santé psychique et mentale se dégradent en permanence car ils sont dehors", a-t-il déploré auprès de RMC.

Des gens en CDI qui ne trouvent pas de logement
A cent jours des JO, "on expulse (des squats, ndlr) des Tchadiens, des Soudanais, des Erythréens, des Ivoiriens, des Guinéens qui ont des papiers: des gens en CDI mais à qui on ne veut pas louer d'appartements. La seule solution reste le squat" puisque ces personnes travaillent en Ile-de-France, ajoute-t-il.
Autrefois siège d'une entreprise d'autobus, le bâtiment de Vitry-sur Seine a été progressivement investi par des personnes délogées d'autres squats d'Ile-de-France. Ces dernières ont expliqué à l'AFP fin mars qu'elles ne trouvaient pas de logement dans le parc privé ou qu'elles étaient inscrites sur liste d'attente depuis plusieurs années pour bénéficier d'un logement social.
Derrières les vitres miroir du bâtiment insalubre de plusieurs étages, les occupants avaient installé des lits et des matelas par terre jusque sous les escaliers et dans les couloirs faute de place. Le long de murs décrépis pendent des fils électriques, tandis que des douches rudimentaires fonctionnent à l'eau froide.
D'autres squats d'Ile-de-France évacués
Il y a un an, les autorités avaient évacué l'ancien siège désaffecté d'Unibéton sur L'Ile-Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), à proximité du futur village des athlètes de JO de Paris où vivaient 500 migrants. En juillet, 150 autres personnes qui avaient trouvé refuge dans une maison de retraite abandonnée à Thiais (Val-de-Marne) avaient également été expulsés.
Ali, homme de ménage à Disneyland, avait raconté, lors de son expulsion d'un précédent squat, en Seine-Saint-Denis, avoir été envoyé par les autorités en car près de Toulouse par erreur. Ce réfugié soudanais était finalement revenu quelques jours plus tard en région parisienne, pour poser ses valises au squat de Vitry-sur-Seine, faute de mieux, afin de pouvoir continuer son travail.