Loi sur la fin de vie: "Le gouvernement n'en fait pas une priorité mais les Français attendent qu'on bouge"

Un député veut une loi claire qui organise la fin de vie pour les patients en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable - FRANCOIS GUILLOT / AFP
Jean-Louis Touraine, ancien député PS, a été réélu député en 2017 sous les couleurs de La République en Marche (LREM). Cosigné par 53 députés, son texte doit permettre à un patient "en phase avancée ou terminale d'une maladie incurable" de pouvoir mettre fin à ses jours.
"L'assistance médicalisée active à mourir, c'est l'euthanasie avec un renforcement de la décision de la personne concernée. Même si c'est souvent sous-entendu, malheureusement, dans la situation hypocrite où la France se trouve, 4.000 de ces décès sont effectués en catimini dans les hôpitaux. N'étant pas réglementés, il y a des cas d'euthanasies décidés par le corps soignant. Il organise une mort qui la moins pénible possible, mais sans savoir si la personne est désireuse de cette fin de vie.
Nous proposons que la personne elle-même soit demanderesse et qu'un collège de trois médecins s'assure que la demande n'est pas illégitime: pas de dépression passagère, perte d'espoir sans raison médicalement valide…
"Aujourd'hui, on utilise des subterfuges"
Avant la loi Veil, les femmes se faisaient avorter en cachette. Il y a eu les "343 salopes" qui disaient s'être fait avorter, les médecins qui ont déclaré y avoir contribué… C'était illégal, mais ça ne pouvait pas tenir. Et c'est la même chose aujourd'hui: il y a 4.000 personnes dont la fin de vie est organisée dans des conditions pré-agoniques. Seuls une dizaine de cas défrayent la chronique. Les autres restent dans l'ignorance. Et on reste comme ça. Avec des cache-sexes, des subterfuges, des sédations terminales, des systèmes où l'on arrête d'alimenter ou d'hydrater.
Emmanuel Macron est prudent sur le sujet. Il ne se précipitera pas pour légiférer, il dit que ce n'est pas une priorité pour la France. Mais je me permets d'ajouter que c'est une priorité pour les Français. Ce n'est pas ça qui redonnera un équilibre économique mais les Français attendent que l'on bouge sur le sujet. L'attente a été trop longue. Le retard devient choquant par rapport aux pays voisins. Les gens qui veulent finir leur vie vont en Belgique…
"Il y a urgence"
Est-ce que ce sera dans la loi bioéthique de fin 2018? Je l'espère. La ministre de la santé Agnès Buzyn, qui est hématologue, a défendu le même point de vue que moi avant les élections, celui de la nécessité impérieuse de cette loi. Elle a plus récemment indiqué qu'il faudrait faire avant tout un bilan des précédentes lois. Cette attitude, pourtant, n'est pas dans le logiciel du gouvernement. Monsieur Macron n'a pas attendu l'évaluation de la loi Travail, ni de la loi Macron, pour proposer les ordonnances.
Mais il n'y rien à évaluer dans la loi précédente, la loi Claeys-Leonetti. Elle ne fait que rassembler des mesures existantes dans des textes et décrets plus anciens: la "sédation terminale", le recours possible à des doses majeures de morphine... Tout était préexistant.
"Il y a une crainte de LMPT"
Le gouvernement ne fait pas une priorité des sujets sociétaux. Le ministre de l'Intérieur, Gérard Collomb a par exemple exprimé sur la PMA un point de vue individuel qui mérite d'être entendu. Mais ce n'est pas lui que j'irai consulter sur ces sujets sociétaux. Plutôt la ministre de la Santé. Il n'y a aucun problème de calendrier, on peut mener plusieurs actions gouvernementales de concert.
Derrière tout cela, il y a une frilosité, une crainte, de manifestations d'organisations comme la Manif pour tous (LMPT) qui viennent gêner le reste de l'action gouvernementale. Sur la question de la fin de vie, il y a très peu de risques à mon sens. Il y a toujours des intégristes qui s'opposeront, mais ces groupes sont minoritaires. Vous trouverez beaucoup de catholiques pratiquants qui vous diront que c'est un droit qu'il faut ouvrir. Aujourd'hui, la PMA est interdite, demain ça passera dans les moeurs. Ce sera la même chose pour l'aide active à mourir. La majorité silencieuse ne souhaite pas qu'il y ait des polémiques. 80% des Français sont pour."