RMC
Société

"Pour se sentir libre et vivant": un participant d'une soirée clandestine à Paris se confie sur RMC

placeholder video
Une fête clandestine a été organisée dans le 13e arrondissement de Paris samedi soir: 300 jeunes se sont retrouvés, sans être dérangés.

Au milieu de ce quartier résidentiel du XIIIe arrondissement de Paris, un portail laissé entrouvert. Derrière, dans les entrailles d'une ancienne voie ferrée, une fête immense, illégale et risquée offre à 300 jeunes le mirage d'un monde sans pandémie. Le temps d'une nuit. 

L'adresse a été communiquée par mail au dernier moment et les consignes sont strictes: arriver en toute discrétion, seul ou par très petits groupes, entre 20h et 21h, avec son billet réservé. Les 300 sésames pour cette soirée baptisée "I want to break free" se sont vendus 15 euros via une plateforme sur internet. Les places sont parties en quelques heures.

Sur RMC, un autre participant confie son excitation: "On prend notre place assez rapidement parce que les places partent très vite. Elles coutent entre 15 et 25 euros. On nous donne le point GPS au dernier moment. Il fallait arriver entre 20 heures et 21 h 30. Vous avez un gars avec un talkie-walkie, il nous dit par où il faut passer. On rentre et puis il y a un système son pour entre 300 et 500 personnes. Certains portent des masques mais la majorité n’en a rien à faire". 

L'entrée passée, il faut ensuite avancer longtemps en longeant les rails, à la seule lumière de son téléphone portable, pour déboucher sur une scène spectaculaire. Une cathédrale de béton, haute de 20 mètres, recouverte de guirlande lumineuses, de néons, de dessins psychédéliques projetés au plafond et qui vibre au son de puissantes enceintes. Il y aussi un coin bar, un dancefloor, une scène pour les DJ.

>> A LIRE AUSSI - "Où est la justice?": une nouvelle fête clandestine dans la même maison, les habitants de Joinville-le-Pont exaspérés

"Entrer en résistance"

Alors que la musique techno diffracte l'air dense du tunnel, des centaines de personnes en transe piétinent le sol poussiéreux ou discutent, boivent ou flirtent dans les coins.

"On a décidé d'entrer en résistance et de lancer cet appel à se cacher ensemble pour faire la fête car les jeunes n'ont plus aucun espace pour exister ensemble, ils vivent dans un manque terrible, on essaye de continuer à leur apporter ça, malgré les risques", explique à l'AFP l'organisateur de 27 ans, Alexandre, qui risque jusqu’à 15.000 euros d’amende et un an de prison pour mise en danger de la vie d’autrui.
"On a ce savoir-faire maintenant. On peut, en moins de deux heures, s'installer n'importe où et monter une soirée très discrète comme celle-là", se justifie l'organisateur, fondateur du jeune collectif spécialisé dans les soirées clandestines et l'"urbex" (exploration des friches industrielles et lieux abandonnés). 

Son collectif fonctionne via un groupe Facebook fermé, qui marche par cooptation. Loin des milieux des "free parties", adeptes des squats et des idéologies libertaires, ou des milieux festifs LGBT, cette communauté, la seule à maintenir des fêtes de cette ampleur en plein confinement, rassemble un public parisien hétéroclite. 

>> EN VIDEO - Comment les soirées clandestines s’organisent-elles en plein confinement?

"Se sentir libres et vivants"

Ce samedi soir, il y a aussi bien des quarantenaires d'apparence rangée que des étudiants, des "modeux", des militants de gauche ou des milieux LGBT et quelques jeunes de banlieue. 

Parmi eux, Ivan, 23 ans: "A titre personnel, je suis en CDI, c'est mon premier boulot et je travaille beaucoup, j'ai vraiment besoin de décompresser. Avec le confinement, il y a un déséquilibre dans ma vie, je ne suis pas sorti de mon appartement depuis un mois, cette fête c'est une question de santé mentale pour moi", dit-il. "Là je ressens de l'euphorie pure, c'est le seul moment qui permet de tout oublier, d'arrêter de vivre au fil des chiffres des morts et des entrées en réanimation".
Sur RMC, un autre participant témoigne ce "besoin": "On sent qu’il y a une pression assez forte sur notre liberté. Donc, on brave ça pour se sentir libres et vivants. Ça permet de se défouler et reprendre sa semaine de boulot joyeux et contents de s’être bien dépensé pendant le week-end".

Alors que l'état d'urgence sanitaire interdit tout rassemblement public, d'autant plus à des fins commerciales, les organisateurs encourent 15.000 d'amende et un an de prison, pour "mise en danger de la vie d'autrui".

Alors que depuis deux week-end, des fêtes agitent une maison avec piscine à Joinville-le-Pont, près de Paris, cette fois-ci, la police n'est pas intervenue et la fête s'est poursuivie en tout impunité jusqu'à l'aube.

La rédaction de RMC (avec AFP)