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"Je pourrais tomber en dépression extrême": la pénurie de médicaments psychotropes s'aggrave et inquiète

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C'est une alerte que lance sur RMC, un auditeur. Celui-ci, atteint de bipolarité, a de plus en plus de mal à trouver son traitement, des médicaments psychotropes qui soulagent ses troubles. Une pénurie qui s'aggrave en 2025.

C'est un auditeur qui a alerté RMC sur le manque de psychotropes, ces traitements qui traitent les troubles mentaux. Depuis plusieurs mois, Alexis peine à trouver en pharmacie les traitements dont il a besoin pour soulager ses troubles bipolaires.

Nous sommes allés le rencontrer chez lui, en région parisienne, avec son semainier, ses boîtes de médicaments et ses mains qui tremblent. Alexis est un ancien professeur des écoles et directeur de maternelle. Il se dit "vieux bipolaire" et prend quotidiennement du sel de lithium, le Téralithe, et du Concerta, un médicament pour les troubles de l'attention.

Le choix de la rédac : La pénurie de médicaments psychotropes s'accentue - 03/09
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Depuis des mois, il court les pharmacies pour en trouver. Il fait durer ses boîtes en coupant ses gélules en deux au cutter. “Je place mon cutter à peu près au milieu, je mets ma main dessus, et je le casse. Je me débrouille comme je peux”, détaille-t-il.

Certains patients obligés d'aller se fournir à l'étranger

Son psychiatre est prévenu, Alexis est aussi surveillé de près par sa fille qui le trouve plus tendu depuis la diminution de son traitement. Mais ce serait encore pire d'arrêter son traitement brutalement.

“Je pense que je pourrais tomber en dépression extrême avec des idées suicidaires. J’ai 63 ans et à 50 ans, j’avais déjà réglé mes obsèques parce que les gens qui ont des chimies du cerveau différentes sont ceux qui se suicident le plus. Ce n’est pas parce qu’on n'aime pas la vie, c’est parce qu’on ne supporte plus la souffrance. On demande juste de pouvoir se soigner”, confie-t-il.

Il souligne aussi le coût économique de ces pénuries. En effet, des patients qui décompensent, ce sont des urgences psychiatriques surchargées, et le déficit de la sécu qui se creuse encore.

Alors face à cette situation, certains patients traversent même les frontières. L'association Argos 2001 conseille même à certains de ses adhérents d'aller en Belgique pour se fournir en quétiapine, un autre traitement de la bipolarité. C'est ce qu'envisage Pauline par exemple.

“Pour moi, c’est mon joker en fait. J’ai mis plus de 10 ans à trouver un traitement qui, comme on dit dans le langage des patients, stabilise. Et je sais qu’aucun autre traitement ne pourrait convenir en fait. C’est notre santé qui est en jeu, c’est notre vie qui est en jeu aussi. On se sent assez seul tous”, souffle-t-elle.

Une sortie de crise d'ici l'automne?

Il y a plusieurs raisons aux pénuries de médicaments en général, mais ici, l'une des principales, c'est la fermeture d'une usine, en Grèce. L'été dernier, le site de production de la quétiapine doit fermer pour travaux pendant plusieurs mois. Or il fournit 60% des laboratoires français. La production est donc ultra concentrée, et c'est ce que dénonçait une commission d'enquête du Sénat dès 2023. Laurence Cohen était alors sa rapportrice.

“Depuis une quarantaine d'années, les grands laboratoires ont délocalisé à tour de bras. Tant qu’on va avoir cette réaction de production en flux tendu pour une rentabilité maximale, il va y avoir des pénuries qui ne peuvent pas se résorber”, pointe-t-elle.

Ce à quoi Frédéric Lavie répond. Il est directeur de recherche, innovation et santé publique du Leem, l'organisation des entreprises du médicament en France. “Toutes les industries font ça. On ne peut pas reprocher aux laboratoires d’essayer de faire des économies dans les coûts de production parce qu’ils ont des prix qui sont effectivement très bas. C’est soit ça, soit ils arrêtent de produire. Donc c’est vrai qu’ils sont pris un peu en étau”, juge-t-il.

Alors est-ce qu'une sortie de crise est annoncée? Pour la quétiapine, l'ANSM annonce une remise à disposition en octobre, mais pour le sel de lithium ou le Concerta, il n’y a pas d'éléments.

Marion Gauthier avec Guillaume Descours