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La mortalité au plus haut depuis 70 ans en France: comment être sûr que c'est la faute du Covid-19?

La France a connu en 2020 une hausse de la mortalité inédite depuis 70 ans.

L’Insee a publié lundi soir les premiers chiffres qui permettent de mesurer réellement l'impact du Covid sur la mortalité. Et pour ceux qui parfois remettent en cause la réalité de l'hécatombe, voici ces chiffres. 669.000 personnes sont mortes en France en 2020, soit une augmentation de 9,1% par rapport à l’année précédente, soit 56.000 morts de plus.

Cela s’est passé en deux vagues. On a enregistré à l’Etat civil 27.000 décès de plus que le nombre attendu en mars avril. La première vague meurtrière mais plus courte et 34.000 décès en trop entre septembre et décembre. La deuxième vague plus longue.

Cette hausse de la mortalité, c’est du jamais-vu depuis les années 50. On n’avait pas connu de tels chiffres ni pendant l’épisode de grippe de Hong Kong en 69-70, ni pendant la canicule de l’été 2003.

Comment peut-on être sûr que ces décès supplémentaires sont tous dus à l'épidémie?

Les chiffres publiés lundi sont essentiellement ceux enregistrés par l’Etat civil dans les mairies, des données qui n'indiquent pas les causes de la mort. Mais l’Insee a des ordinateurs et des statisticiens qui savent les faire tourner.

On prend donc le nombre de morts attendus, on tient compte du vieillissement de la population, de l'augmentation de l'espérance de vie. On intègre la faible mortalité due à la grippe saisonnière. En 2020, la grippe n’a tué que 4000 personnes contre 8000 en 2019 et 13.000 en 2018.

On tient compte de la baisse du nombre de morts sur la route, du nombre d’accidents du travail. Plus d'autres critères encore et on arrive donc à ce résultat: 56.000 morts en plus qui sont dus à la pandémie. Soit une moyenne de 153 par jour en 2020. Mais en réalité 200 par jour si l’on compte à partir de la mi-mars.

À noter que ces chiffres sont très très proches de ceux de Santé publique France. Ceux de l'addition des morts recensés tous les jours dans les hôpitaux et les Ehpads. On ne savait pas si ces données quotidiennes étaient sous-estimées ou surestimées. Désormais, on sait. Les chiffres de Santé publique France correspondent à ceux de l’Etat civil.

La pandémie n’a pas touché tous les Français de la même façon

Il y a de grandes inégalités géographiques. Une surmortalité de seulement 1 à 5% dans les régions de la façade atlantique alors que l’Île-de-France connaît une hausse de 19%, l'Auvergne-Rhône-Alpes de 15%. Des pics à plus 100% ont été enregistrés sur une courte période pendant la première vague dans le Haut-Rhin, dans l’Oise ou en Seine-Saint-Denis.

En ce qui concerne les inégalités entre les tranches d'âge, pas de surprise. Ce sont bien les plus vieux qui sont touchés et les hommes plus que les femmes. Dans le détail pour les moins de 25 ans, il y eu l’an dernier moins de morts qu’attendu. Une baisse de la mortalité due aux confinements et au fait que les jeunes sont moins sortis.

Pour les adultes de 25 à 49 ans, pas de hausse non plus de la mortalité. Les chiffres sont ceux de la moyenne des années précédentes. Pour les 60-69 ans, la hausse est encore peu importante: plus de 4%. Et c’est bien à partir de 70 ans que les compteurs s’affolent.

Résultat une baisse inédite de l'espérance de vie. Les femmes ont perdu 6 mois. Leur espérance de vie est désormais de 85 ans et un mois. Les hommes ont perdu 7 mois, à désormais 79 ans et un mois.

Et pendant ce temps-là est ce que les Français ont fait des enfants ?

Alors déjà, ils ne se sont pas mariés. Moins 31% du nombre des mariages, c’est assez facile à comprendre quand on n'a pas le droit de faire la fête. Pour les bébés, il y en a eu 736.000 en 2020. C’est un chiffre en baisse de 2,3. Mais le solde reste positif. Chaque jour, il y a en France 2016 bébés qui naissent pour 1832 personnes qui meurent.

Mais l'impact du Covid est difficile à mesurer puisque 80% des enfants nés en 2020 ont été conçus avant l'arrivée de l'épidémie. On ne dispose que des chiffres des enfants conçus en mars et en avril et nés en décembre ou en janvier. Et bien la chute est très spectaculaire: moins 7% et moins 13%. Le confinement n’a pas été favorable à la natalité. On avait plus de temps libre, mais plus de peur de l’avenir.

Nicolas Poincaré