Le Conseil scientifique prévient que "décisions difficiles" doivent être prises : pourquoi la situation de l'épidémie est désormais jugée inquiétante
Le gouvernement "va être obligé de prendre un certain nombre de décisions difficiles", "dans les huit à dix jours maximum", a estimé mercredi le président du Conseil scientifique Jean-François Delfraissy, qualifiant d'"inquiétant" le niveau de l'épidémie de Covid-19 en France.
Mais que veut-il dire? Dans les faits, plusieurs voyants sont au rouge. A commencer par le nombre de nouveaux cas: environ 50.000 par semaine. A titre de comparaison, c’est moins que lors du pic de l’épidémie en mars mais plus qu’au mois de juillet.
"On peut être faussement rassuré" parce que l'augmentation de la circulation du virus a "peu de retentissement actuel" sur le système de soins, mais il peut y avoir "une augmentation très rapide, exponentielle, dans un deuxième temps", a-t-il averti, pointant "en particulier" la situation en Provence-Alpes-Côte d'Azur.
"La France se situe à un niveau maintenant qui est inquiétant, qui n'est pas celui de l'Espagne mais qui n'est pas loin, avec un décalage peut-être d'une quinzaine de jours et qui est beaucoup plus sévère que celui de l'Italie", a-t-il estimé au cours d'une conférence de presse en ligne, consacrée aux modalités d'isolement des personnes infectées et des cas contacts.
Si la barre du million de tests hebdomadaires est désormais franchie, le taux de positivité augmente, lui aussi. Pourtant, ces chiffres n’ont pas de retentissement dans les hôpitaux. "Pas encore", selon Jean-François Delfraissy, qui redoute "une augmentation très rapide, voir exponentielle, de l’épidémie" dans un deuxième temps, en raison du décalage entre contamination et hospitalisation, deux semaines en moyenne pour les cas graves.
L'inquiétude se porte notamment en région PACA où la situation pourrait rapidement devenir difficile: à Marseille, le nombre de malades en réanimation a doublé en une semaine.
Mais "toute décision qui serait prise actuellement n'aura un bénéfice potentiel" sur la situation sanitaire "que dans 15 jours", observe-t-il. Aussi, "un certain nombre de mesures seront à prendre et à décider dans les huit à dix jours maximum, compte tenu du délai ensuite du retentissement de ces mesures", a jugé le Pr Delfraissy.
"Les mesures de type fermeture des bars" ou interdiction "des grandes manifestations, ce n'est pas ça qui résoudra le problème"
"Il faut que la France recommence à vivre", mais en étant "très actif sur la stratégie de tester/tracer/isoler", a-t-il ajouté, constatant que ce triptyque laissait encore trop à désirer.
Dans certaines régions, on pourrait envisager de passer à des "mesures contraignantes" pour la période d'isolement des malades et cas contacts, a estimé le Pr Delfraissy, même si ce n'est pas la voie privilégiée pour l'instant par le Conseil scientifique.
En revanche, "les mesures de type fermeture des bars" ou interdiction "des grandes manifestations, ce n'est pas ça qui résoudra le problème", a-t-il jugé.
Reconfinement ou pas?
C'est l'une des questions qui se pose donc depuis les déclarations du Pr Delfraissy. Si aucune mesure de confinement général n'est pour le moment avancé, certains voix se font déjà entendre. Comme ce jeudi matin, le président LR de la région PACA, Renaud Muselier: un reconfinement local est tout simplement "inadmissible" et "inconcevable" dans sa région. "(Ça) ne pourra pas être réalisé parce qu'injuste (...) peu compréhensible, inqualifiable et inapplicable", a-t-il affirmé ce matin sur BFMTV.
L'élu dénonce notamment l'attitude de Jean-François Delfraissy, le président du Conseil scientifique. "Aujourd'hui au lieu d'apaiser il anxiogénise", a-t-il estimé. "Et surtout il stigmatise en nous pointant du doigt comme si nous étions des mauvais élèves."
Pourtant, lors de sa conférence de presse, Jean-François Delfraissy a bien évoqué un renforcement de la protection, mais uniquement pour les personnes à risques. Une "bulle" pourrait être mise en place autour de certains populations: comprendre un isolement ciblé pour des personnes atteintes de facteurs aggravant du Covid-19, comme le diabète, l'âge avancé, l'obésité ainsi que certaines maladies respiratoires.