RMC

Obésité et surpoids: "En France, l'idée c'est de faire une taille 38"

-

- - iStock - Monkeybusinessimages

Près d'un Français sur deux de plus de 30 ans est en surpoids, selon une étude de l'Inserm et de la Caisse nationale. Près de 16% des Français sont obèses. RMC.fr a recueilli le témoignage de Claudia Brotons-Sannka-Télèphe, elle-même obèse et présidente de l'association Allegro Fortissimo, qui lutte depuis 1989 contre les discriminations et aident les personnes en surpoids à mieux vivre.

"Quand on est obèse, il est difficile de prendre les transports en commun parce que quand vous prenez deux places dans le bus vous êtes stigmatisés par les autres voyageurs ; parfois des compagnies aériennes vous obligent à payer deux sièges ; c'est compliqué encore aujourd'hui de s'habiller dans des prix corrects ; il est difficile de contracter des prêts immobiliers parce que l'assurance rejette votre souscription ; il est impossible de rentrer dans un scanner ou une IRM de taille standard… Voilà toutes les petites discriminations du quotidien. Il y a également la discrimination à l'embauche, même si c'est un peu plus confidentiel, puisque les personnes discriminées ont du mal à prouver cette discrimination et à en parler. Mais on sait que ça existe.

On existe, ce n'est pas un choix d'être en surpoids et c'est plutôt vécu comme une malchance. Mais nous sommes des gens comme les autres. On a une conscience, on a une intelligence, et gros ne veut pas dire systématiquement fainéant. On peut être gros et tout à fait dynamique, ce qui dans l'esprit des gens comme des recruteurs n'est pas flagrant.

"Gros ne veut pas forcément dire fainéant"

Toutefois, le regard des gens change, mais c'est malheureusement parce que nous sommes de plus en plus présents. Maintenant on peut se balader dans la rue sans être regardé de haut en bas. Les gens s'habituent plus à notre corpulence, donc c'est un peu mieux accepté, même si ce n'est pas encore la panacée.

Mais paradoxalement, c'est plus dur qu'avant, parce qu'aujourd'hui on ne peut pas ouvrir un magazine sans voir un mannequin qui fait un 32 ou un 34 de taille. C'est déjà difficile pour les personnes qui ont un poids normal, alors pour les gens obèses… C'est la société qui culpabilise.

Mais pour autant, on n'est pas obligé de prendre ça pour argent comptant. Oui, on peut être en surpoids et le vivre bien, mais le message ne passe pas parce que l'idée dans la société française, c'est de faire un 38. Mais ce n'est pas donné à tout le monde.

"L'issue ce n'est pas forcément de maigrir"

A la base, je faisais 210 kilos et j'ai fait une dérivation gastrique, ce qui m'a fait perdre beaucoup de poids. Si je suis encore en surpoids, je ne suis plus en obésité morbide. Donc je vis mieux mon quotidien au surpoids. Je suis encore obèse et je ne me sens pas mal. Ça me va bien d'être comme je suis. Dans l'idéal, j'aurais quelques kilos de moins, mais ils sont là et je fais avec. Les remarques? J'ai un caractère suffisamment fort pour en faire fi. Mais ce n'est pas le cas de tout le monde. C'est en cela qu'avec notre association Allegro Fortissimo, nous essayons d'aider nos adhérents. On peut vivre, même en surpoids. L'issue ce n'est pas forcément de maigrir. L'issue c'est de bien vivre son poids et son corps comme on le souhaite. Certains vont souhaiter maigrir, d'autres non. Il faut juste que la personne se sente mieux.

Pour lutter contre l'obésité, je ne suis pas sûr que les taxes sur les produits gras ou sucrés soient la solution. Les campagnes sur le surpoids ont le mérite d'exister, même si elles ne sont pas forcément très bien comprises par la population et efficaces. Il faudrait plutôt mettre en avant des témoignages de gens en surpoids, mais normaux, c'est à dire sans pathologie. Je suis en surpoids, mais je n'ai pas de pathologie comme le diabète, l'hypertension ou le cholestérol, qui sont normalement associées au surpoids. Les gens comme moi existent aussi, mais on n'en fait pas mention".

Propos recueillis par Philippe Gril