Présidentielle: pour les candidats, "l’utilisation de drogues de la performance est inévitable"

Six candidats de l'élection présidentielle 2017. - AFP
Jean-Pierre de Mondenard, médecin du sport à Paris et auteur de plusieurs ouvrages sur le dopage sportif:
"Lors d'une compétition, il faut être le meilleur. Tout comme les sportifs de haut niveau, les candidats à l'élection présidentielle vont chercher tous les éléments qui vont les amener à être performants. Trois points sont essentiels: le sommeil, l’équilibre alimentaire, et l’activité physique.
Lors de la campagne électorale, les candidats ont un rythme de vie différent de leurs habitudes, même si certains d'entre eux sont amenés à faire des meetings toute l’année. Les petits candidats, eux, ont un rythme qui sort de leur ordinaire.
L’élément numéro un pour récupérer est le sommeil. Ils doivent ainsi faire des micro-siestes lors des déplacements en train ou en avion par exemple. Ceux qui sont fortunés ont des salles de repos adaptées, où ils peuvent décrocher de leurs activités. Lorsqu'ils sont invités à débattre jusqu’à 00h30 ou 1 heure du matin, ils doivent, chaque fois que cela est possible, faire leur maximum pour récupérer. Pour un homme politique, la vigilance est primordiale. Lorsqu'ils prennent la parole lors des débats, ils doivent être très concentrés.
"La caféine est un super dopant"
A partir du moment où il y a une compétition de très haut niveau, l’utilisation de drogues de la performance est inévitable, ou alors les hommes politiques sont des martiens. Je ne vois pas pourquoi ils seraient différents du reste de la population. Ils n’ont pas de contrôles antidopage, et peuvent, par conséquent, prendre ce qu’ils veulent.
Par le passé, plusieurs témoignages d’anciens présidents des Etats-Unis et de différents hommes politiques ont attesté que tout y était passé au niveau des substances: corticoïdes, fibrine, stimulants, alcool... L’alcool, à faible dose, peut par exemple améliorer la maîtrise d’un geste chez les sportifs de haut niveau.
Lors de la précédente élection présidentielle, Mme Le Pen racontait qu’elle était 'accro' au café. La caféine est un super dopant. Associée à d’autres, comme l'aspirine, cela décuple les effets.
"Les bêtabloquants peuvent aider ceux qui sont émotionnés par l'enjeu"
Si l’activité physique n’était pas pratiquée avant la campagne électorale par les candidats, il est inutile qu’ils s’y mettent maintenant, car elle peut être un élément de fatigue supplémentaire. En revanche, ceux qui faisaient déjà du sport doivent respecter les temps de récupération, et ne pas le pratiquer juste avant leurs meetings. De même pour l’alimentation, les candidats doivent privilégier des légumes et des aliments qui se digèrent facilement. Il vaut mieux oublier le bœuf bourguignon, la tête de veau, ou les sandwichs. Pour la cigarette, le mieux est de mâcher du tabac: les effets négatifs de la fumée disparaissent, tandis qu'on retrouve l’effet stimulant de la nicotine.
Lorsque les candidats sont en meetings, la voix est très importante. Les enquêtes démontrent d'ailleurs que ce n’est pas le discours qui est important, mais plutôt la présentation, la gestuelle, le charisme… Les candidats doivent être très concentrés sur les mots des adversaires, afin de réagir vite: certaines substances peuvent les aider à être plus présents (euphorisants, stimulants…). Ces produits vont améliorer la vigilance mais sans dégrader le comportement, au contraire de l’alcool ou de certaines drogues.
Les bêtabloquants aident aussi ceux qui sont émotionnés (sic) par l’enjeu et réduire le stress. Mais si les candidats en prennent trop, ils peuvent devenir mous.
"Lorsque la campagne se termine, certains candidats peuvent subir un contre-coup"
Les hommes politiques sont des animaux. En compétition, c’est le mental qui fait tout, comme chez les grands sportifs. Ils savent qu’ils vont être exposés médiatiquement. Comment peuvent-ils ne dormir que 4 heures par nuit par exemple?
Ce n’est pas qu’ils ont un rythme d’éveil et de sommeil particulier: c’est uniquement grâce à l’attraction de la médiatisation, d’un système où on ne parle que d’eux. Ils sont toujours en représentation. L’adrénaline, l’envie, les excite. L’intérêt pour leur activité est le moyen le plus efficace pour avoir l’impression de perdre son temps quand on dort.
Lorsque tout retombe, et que la campagne se termine, certains candidats peuvent subir un contre-coup et déprimer. Les petits candidats vont certainement retourner à leurs activités, car cette parenthèse ne va pas les perturber fondamentalement. Mais ceux qui approchent les 20% dans les sondages, et qui sont dans la politique depuis des années, peuvent mettre du temps à récupérer. Le corps de ceux qui auront pris des stimulants permettant d’être en éveil pendant des semaines, va vouloir récupérer et lâcher".