Sanofi veut se séparer du Doliprane: "Des raisons purement financières et de rentabilité"

Sanofi, qui reste l'un des derniers acteurs pharmaceutiques avec l'allemand Bayer à avoir conservé jusqu'alors son activité de médicaments sans ordonnance, avait annoncé à l'automne dernier son intention de la rendre autonome. De premières offres indicatives ont été déposées la semaine dernière, notamment celle du fonds français PAI Partners, selon une source au fait du dossier relayée par l'AFP.
Ce projet a suscité des interrogations concernant l'avenir de la célèbre marque de paracétamol Doliprane, avec des craintes de délocalisation de sa production industrielle et le souvenir de récentes pénuries. Une inquiétude partagée ce vendredi sur RMC, au micro d'Apolline Matin par André Grimaldi, professeur émérite de diabétologie à l’hôpital de la Pitié-Salpêtrière à Paris.
"Pas d'intérêt thérapeutique majeur"
"Cela m'inquiète pour la politique de santé. Le doliprane, c'est 400 millions de boîtes vendues par an. Il est très utile mais n'a pas d'intérêt thérapeutique majeur", a-t-il expliqué. "Vous ne risquez pas de mourir si vous n'avez pas de Doliprane."
Cette opération, considérée par le marché comme l’une des plus importantes à venir dans le secteur pharmaceutique, répond à l’ambition du groupe de devenir un champion de l'immunologie en mettant l’accent sur les médicaments innovants, explique l'AFP.
Le professeur a rappelé ce qu'avait pourtant prôné le gouvernement après le Covid, avec le déplacement d'Emmanuel Macron, aux côtés du président de Sanofi, déclarant que le Doliprane aurait une "fabrication complète en France".
"Big Pharma impose sa loi aux États, Sanofi impose sa loi, via les fonds de pension et les actionnaires qui décident de ce qui est rentable et de ce qui ne l'est pas", dénonce André Grimaldi.
"C'est un vieux médicament, il est essentiellement fabriqué en Inde et en Chine et seulement mis en boîte en France ou en Europe", a également pointé André Grimaldi.
L'universitaire a dénoncé des "raisons purement financières et de rentabilité" de la part de Sanofi, qui a "décidé que ces médicaments ne rapportaient pas assez".
Rappellant de nouveau les propos d'Emmanuel Macron lors de la période sanitaire ("Nous sommes en guerre"), il a plaidé pour que les médicaments d'intérêt thérapeutiques majeurs devraient "avoir un statut comme produit de guerre".
"En aucun cas la fin du Doliprane en France", assure Sanofi
"Notre projet n'est en aucun cas synonyme de la fin du Doliprane en France", a assuré ce mercredi lors d'une conférence de presse le directeur financier de Sanofi, François-Xavier Roger , ajoutant qu'"aucune décision n'a été prise" sur les potentiels scénarios de scission de l'entité commerciale Opella qui abrite les produits de santé grand public (Doliprane, Mucosolvan, Novanuit, Lysopaïne...).
Il a aussi affirmé que l'investissement de 20 millions d'euros annoncé l'an dernier sur le site de Lisieux était "bien engagé" et "entièrement dédié à accroître la production de Doliprane", "une marque française emblématique d'Opella, fabriquée en France et vendue principalement en France".
Opération prévue "au plus tôt au quatrème trimestre 2024"
Sanofi garde "toutes les options ouvertes dont une introduction en Bourse ou une cession" de ce pôle de santé grand public, qui a enregistré un chiffre d'affaires de 1,3 milliard d'euros au deuxième trimestre, a confirmé le directeur financier.
Le calendrier a été maintenu avec une transaction réalisée "au plus tôt au quatrième trimestre 2024", a rappelé François-Xavier Roger. La société de capital-investissement Advent International et le fonds britannique Clayton Dubilier & Rice ont aussi soumis une offre préliminaire, a indiqué la semaine dernière l'agence d'informations financières Bloomberg citant des sources proches du dossier.