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Autoroute A69: pourquoi ce projet est controversé?

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Une manifestation se déroule ce samedi contre le projet d'autoroute entre Toulouse et Castres, l'A69. Un projet contesté. Les opposants dénoncent une projet néfaste pour l'environnement quand les défenseurs l'estiment nécessaire pour l'économie.

2.000 personnes mobilisées pour 54 kilomètres de bitume. Ce samedi, des manifestants se réunissent à Saix (Tarn), à l'ouest de Toulouse pour se mobiliser contre le projet de construction d’une nouvelle autoroute: l’autoroute A69. Ce projet de nouvelle route qui doit relier la ville de Castres à Toulouse coûte au total 500 millions d’euros.

Les opposants dénoncent un projet inutile, réservé à des automobilistes aisés, néfaste pour l’environnement et anachronique au regard des enjeux climatiques. Ils expliquent qu'une route nationale existe déjà sur ce trajet, le projet d'autoroute longera même l'actuelle route nationale RN 126, qu'il suffirait, selon les opposants, d’élargir. Ils expliquent aussi qu'il faudra payer 8,50 euros pour un aller contre 1,70 euro aujourd'hui et que ce projet va détruire l’équivalent de 500 terrains de foot de terres agricoles et plusieurs centaines de platanes centenaires.

Depuis plusieurs semaines, des défenseurs des arbres dorment dans des platanes qui se trouvent sur l’itinéraire de la future autoroute pour empêcher leur abattage:

"Ces platanes font partie du patrimoine naturel, de l'histoire des Tarnais du Sud. Couper ces platanes, c'est une absurdité la plus totale" explique Annick Baccala de l’association Atac, contre ce projet.

Aberration écologique contre désenclavement du territoire

Les défenseurs du projet répondent eux que cette autoroute va désenclaver le territoire et faire gagner jusqu'à 20 minutes de trajet entre les deux villes. Le projet a d’ailleurs franchi toutes les étapes administratives, dont les multiples enquêtes publiques et environnementales de plusieurs années, et les travaux ont commencé en mars 2023.

C'est le cas de Jean-Louis Chauchy, président du Ceser, la Conseil économique et social de la région Occitanie. Pour lui, ce projet d’autoroute est nécessaire pour le tissu économique, "au nom de l’équité républicaine": "Toutes les villes, capitales bassin d'emplois sont en deux fois deux voies aujourd'hui, en autoroute gratuite ou en concession", explique-t-il.

"Comment voulez-vous qu'on garde le siège de Pierre Fabre (à Castres), qui est en notoriété le deuxième groupe après Airbus, avec une route aussi peu sûre?", se questionne-t-il.

Une ville coupée en deux

Sur le trajet de cette autoroute, une ville. Teulat, 530 habitants. Si l'autoroute est construite, elle sera coupée en deux par la quatre voies. La maire de ce village est mobilisée depuis dix ans contre ce projet.

"L'autoroute va passer au milieu du village. C'est un projet inutile imposé à la population. Les citoyens ne se sentent pas entendus", dénonce-t-elle, ce samedi, dans la Matinale Week-End de RMC.

Elle juge que plusieurs alternatives n'ont pas été étudiées comme la rénovation de la route nationale existante: "Désenclaver autrement que par une autoroute, c'est possible. Ça n'a pas été étudié par l'État."

Depuis samedi matin, les premiers manifesants arrivent à Saïx. Des chapiteaux ont été dressés pour la cantine ou la garderie des enfants et les opposants parlent d'une "manifestation pacifique et familiale". Selon les constatations de notre envoyée spéciale, l'ambiance y est bon enfant. Le terrain sur lequel ils se trouvent est prêté par un agriculteur contre le projet et menacé par l'autoroute. La marche partira samedi à 14h et fera une boucle de 10 km jusqu'au terrain.

Plusieurs projets d'autoroutes en France

Aujourd'hui en France, il existe d'autres projets comme celui de l'A69. Dans la région parisienne, l'autoroute A104 doit voir le jour en 2024. Ce contournement nord-est de l'aéroport de Roissy viendra s’ajouter au 12.000 kilomètres d’autoroutes que compte la France.

Sept autres projets ont reçu le feu vert de l'Etat mais ne sont pas encore en construction et une vingtaine d'autres projets attendent une validation comme l’allongement de l’A55 vers Arles ou encore le prolongement de l’A750 vers Montpellier.

Ces dernières années deux projets sont tombés à l'eau: l'autoroute A45 entre Lyon et Saint Etienne et l'A 147 entre Limoges et Poitiers. Des projets décriés et coûteux: un kilomètre d'autoroute coûte environ 6 millions d'euros, en plus d'être destructeur de zones agricoles. Entre 20.000 et 30.000 hectares sont bétonisés chaque année. La faute notamment à l'élargissement des réseaux routiers.

Tous les projets réexaminés

Le ministère des Transports a d'ailleurs indiqué hier soir revoir tous les projets autoroutiers d'ici l'été, dont celui de l'A69. Des copies réexaminées au regard des enjeux actuels de lutte contre l'artificialisation des sols, de réduction des émissions de CO2 et de désenclavement des territoires.

Invitée de la Matinale Week-End de RMC, la ministre de la Transition écologique Agnès Pannier-Runacher a assuré que "la Première ministre travaille et le ministre des Transports aussi pour s'assurer que le projet (d'A69) est conforme" aux objectifs de planification écologique.

"Un certain nombre d'élus soutiennent" le projet d'autoroute, a-t-elle rappelé et il répond, pour elle, à "la question des territoires ruraux, du désenclavement" car tous les Français n'ont "pas le même accès aux services publics, pas la même facilité pour vivre que des Français qui habitent par exemple à Paris". Elle assure, par ailleurs, qu'une analyse d'impact environnemental du projet a été faite dans un objectif de "compenser et de réduire cet impact" écologique.

D'autres pays vont plus loin, comme le Pays de Galles, où la construction de routes a été suspendue. Pour se conformer à l’urgence climatique. Le Pays de Galles vise la neutralité carbone d’ici 2050, or chaque nouvelle infrastructure routière fait augmenter les émissions de CO2. Le gouvernement gallois a donc décider de ne plus dépenser un seul centime pour des projets qui encourage à rouler davantage. A l’inverse, ils investissent pour rénover les routes ou les alternatives comme le ferroviaire ou le vélo.

Margaux Bourdin, Jean-Wilfrid Forquès, Solène Leroux et Maxime Martinez