Télétravail: tous surveillés? Ces logiciels qui permettent d’espionner les salariés

Un télétravailleur sur deux affirme être surveillé par son employeur. Selon une étude, de plus en plus d’entreprises utilisent des outils technologiques qui leur permettent de suivre à distance les moindres faits et gestes de leurs salariés. Des mouchards parfois redoutables, pour vérifier si le salarié est bien en train de travailler et pas en train de jouer à la Playstation... Des outils qui vont du "assez soft" au très intrusif. Assez soft (et légal), ce sont les badgeuses virtuelles, où le salarié va déclarer lui-même sa prise de poste et ses pauses sur son ordinateur (assez facile de tricher) ou encore le contrôle des temps de connexion aux logiciels de l’entreprise.
Mais en réalité, l’arsenal technologique à la disposition d’un patron peu scrupuleux -et un peu parano- est redoutable : on trouve en deux secondes sur internet des logiciels espions à installer sur le PC portable du salarié… On peut citer ActivTrak, Staffcop (le "flic des salariés", sympa!), Time Doctor, Interguard, qui vont donner à la direction une sorte de tableau de bord de ce que vous faites depuis votre bureau à la maison. Votre historique de navigation, le temps que vous avez passé sur chaque site...
Certains vont réaliser des captures d’écran de l’ordinateur du salarié toutes les cinq minutes, histoire de vérifier ce que vous faites, et un rapport est envoyé tous les soirs à l’employeur. Ou faire apparaître un objet à l’écran sur lequel il faut cliquer pour prouver qu’on est présent. Il y a aussi ce qu’on appelle des "keyloggers", des enregistreurs de frappe, qui vont retenir chaque touche que vous frappez. Aux Etats-Unis, où 96% des entreprises utilisent des technologies de surveillance à distance, on ne fait pas dans la dentelle: une entreprise sur trois peut regarder à travers la webcam des salariés pour voir s’ils sont bien à leur poste. Certains outils permettent même de mesurer le niveau d’attention les salariés pendant une visioconférence, par exemple.
La Cnil veille en France
En France, normalement, les salariés sont protégés. C’est très compliqué à vérifier au cas par cas… Il y a eu beaucoup d’excès à partir de la crise sanitaire et du développement du télétravail en mode "far west". Avec beaucoup de plaintes auprès de la Cnil qui a dû clarifier un peu les règles. D’abord, "le télétravailleur doit être informé des éventuels moyens de surveillance mis en place". Et les outils utilisés doivent être "pertinents et proportionnés" à l’objectif poursuivi. L’an dernier, la Cnil a d’ailleurs tapé du poing sur la table en rappelant que si la surveillance à distance est légale, elle ne doit pas "porter atteinte aux droits et libertés des salariés en respectant certaines règles".
Sont donc interdits: la vidéosurveillance par webcam, les keyloggers, les logiciels qui obligent à cliquer régulièrement sur un objet à l’écran pour prouver sa présence… Tout ça, c’est la théorie, pas toujours facile à contrôler. Par exemple, un tiers des salariés surveillés affirme que personne ne leur a expliqué quoi que ce soit. En cas de contrôle abusif, l’employeur risque des sanctions qui vont du simple rappel à l’ordre à une amende de 10 millions d’euros.
Faciles à contourner
Le problème de ces outils, c’est surtout que ça n’est absolument pas efficace. D’abord, parce que les études prouvent que ça démoralise les salariés. 70% des employeurs constatent des démissions après la mise en place de ce genre de dispositif. Certains sont même tentés de se venger. Des études ont montré une corrélation entre la surveillance accrue et un travail volontairement plus lent, voire du vol de matériel (les jours sans télétravail).
Sans compter que ces outils de surveillance, on peut essayer de les contourner. Les salariés en télétravail cherchent -et trouvent- des failles. Sur internet, on trouve plein de tutos et de forums pour échapper à l’œil virtuel de ces outils. Comme des petits logiciels qui font bouger votre souris automatiquement sur votre ordinateur, même quand vous n’êtes pas derrière le clavier, pour apparaître toujours actif sur Skype ou Slack. Les plus technophiles vont même créer un PC virtuel. En gros, un deuxième ordinateur à l’intérieur de leur PC de travail, sur lequel ils peuvent faire ce qu’ils veulent…