Du cadmium dans le chocolat: de nombreux autres aliments contiennent cette substance dangereuse

Tablettes, céréales, pâtes à tartiner, viennoiseries, chocolat en poudre, biscuits, glaces, crèmes desserts... Le chocolat est présent dans de nombreux produits de notre alimentation.
Ceux-ci "ne sont pas seulement gras et sucrés. Le cacao pose un autre problème, il est très fortement chargé en cadmium", révèle l'UFC-Que Choisir dans une enquête publiée ce jeudi 21 août.
Le cadmium est "un élément métallique cancérigène, toxique pour les reins et les os, et suspecté d'entraîner des troubles du développement neuronal en cas d'exposition du foetus", dénonce l'association de consommateurs.
Cette nouvelle étude, qui s'est basée sur l'analyse de 41 produits sucrés, relance ainsi le débat sur ce métal lourd, alors que cela fait des années que les autorités sanitaires alertent sur les effets néfastes du cadmium sur la santé.
En juin dernier déjà, les Unions régionales des médecins libéraux ont publié une lettre ouverte dans laquelle ils rappellent les dangers du cadmium et l’ampleur de la contamination.
Selon les données de Santé publique France, l’imprégnation moyenne des Français adultes a quasiment doublé entre 2006 et 2016, passant de 0,29 microgramme (µg) par gramme à 0,57 microgramme.
Mais alors, qu'est-ce que le cadmium? Comment y êtes-vous exposés? Quels sont les risques pour votre santé? Et comment limiter cette exposition? RMC Conso vous répond.
Quel processus?
"Le cadmium est un métal lourd naturellement présent dans les sols à des degrés divers, selon les régions et les pratiques agricoles", explique l'UFC-Que Choisir.
"Les quantités actuelles dans le sol proviennent pour environ la moitié naturellement de la roche, l’autre moitié provient de la contamination causée par l’activité humaine, l’industrie, les transports et l’agriculture", explique auprès de France 3 Thibault Sterckeman, ingénieur de recherche à l'Inrae au laboratoire Sol et environnement de l'Université de Lorraine.
Le cadmium est également contenu dans les engrais phosphatés, utilisés pour produire des céréales ou des légumes. "Les végétaux que nous consommons sont donc plus ou moins tous contaminés", pointe l'association de consommateurs. Pour produire ces engrais, la France importe 90% de roches phosphatées du Maroc et de la Tunisie.
Celles-ci sont particulièrement riches en cadmium par rapport à des phosphates issus d’autres régions du globe, selon Sciences et Avenir. Ce qui explique pourquoi la France est plus touchée que d'autres pays.
Ainsi, il y a à la fois la roche qui, en se dégradant, libère le cadmium, et les engrais phosphatés qui sont épandus dans les champs. Ensuite, celui-ci est absorbé par les plantes à travers leurs racines et, in fine, contamine les aliments.
Les fumeurs sont également exposés au cadmium par l’inhalation de la fumée du tabac. Le niveau d’imprégnation d’un fumeur est augmenté de 53% par rapport à un non-fumeur, d'après Santé publique France.
En milieu industriel aussi (métallurgie du zinc, production de pigments, fabrication d’accumulateurs, du décapage de peintures etc.), les professionnels sont exposés au cadmium via les fumées ou les poussières.
Quels aliments?
Mais, "la principale source d’exposition au cadmium est l’alimentation", rappelle l'Anses dans une page dédiée. Elle y participe à hauteur de 90%.
Or, nous y sommes tous exposés. Et ce qu'il y a de plus insidieux, c'est qu'il s'agit d'une substance qui n'est pas indiquée sur les étiquettes des aliments. Elle n'est pas non plus détectée par les applications type Yuka.
Parmi les aliments qui contiennent du cadmium, l'UFC-Que Choisir s'est notamment focalisée sur le chocolat. Et pour cause, "la fève de cacao a tendance à particulièrement concentrer ce toxique".
Par exemple, si vous donnez à votre enfant deux biscuits au chocolat accompagnés d'un bol de chocolat chaud au goûter et un bol de céréales au petit-déjeuner, cela "pourrait suffir à apporter entre un tiers et trois quarts de la dose quotidienne à partir de laquelle il existe un risque", détaille-t-elle.
Côté adultes, il est possible de se rendre compte du risque avec le cas du chocolat noir, très chargé en cacao et donc par conséquent, en cadmium. L'UFC-Que Choisir pointe notamment du doigt les tablettes labélisées bio et équitables. "Leur cacao provient souvent d'Amérique latine, dont les sols contiennent naturellement de grandes quantités de ce toxique", nous apprend-elle dans son enquête.
"Deux carrés de chocolat noir bio porteraient ainsi entre 16% et 35% du seuil de risque fixé pour un adulte de poids moyen, avance l'association de consommateurs. Alors que les fèves d'Afrique en apportent quatre fois moins."
Celle-ci conseille de servir à votre enfant du lait nature ou avec du miel et des biscuits sans chocolat. Dans ce cas, la dose serait divisée par trois. Vous pouvez également vous tourner vers le chocolat avec du cacao provenant d'Afrique, qui existe mais qui est plus difficile à trouver. "La solution la plus évidente reste de limiter sa consommation", affirme l'UFC-Que Choisir.
Pour autant, le chocolat n'est pas le seul aliment concerné par la présence de cadmium. Voici, donc, les autres aliments qui en contiennent:
- Poissons et produits de la mer: crustacés, molusques, coquillages et algues
- Abats, rognons
- Produits à base de céréales: pain, pâtes, riz, céréales du petit déjeuner, biscuits sucrés et salés, barres céréalières, viennoiseries
- Certains légumes verts à feuilles: salades; épinards, choux
- Pommes de terre
- Thé noir
"En plus du chocolat, si vous ajoutez les apports d'autres aliments consommés dans la journée tels que les féculents et légumes, il est très probable que le seuil de risque soit atteint", assure l'association de consommateurs.
Quels risques?
Comme le rappelle Sciences et Avenir, plus de 16.500 publications scientifiques sur le cadmium sont recensées aujourd'hui. Le consensus scientifique est sans appel: le cadmium est un métal lourd extrêmement toxique.
Ses effets délétères sur la santé sont liés à son accumulation dans l’organisme au fil du temps, notamment dans les reins, le foie et les muscles.
Dès 1993, le Centre international de recherche sur le cancer (Circ) a classé le cadmium dans le groupe 1 des agents cancérogènes, en raison d’un lien avéré avec le cancer du poumon en cas d’inhalation.
Quelques années après, en 2012, le Circ a classé le cadmium de "cancérogène certain", pour son potentiel rôle dans l’accroissement exponentiel des cancers du pancréas. On comptait environ 10.000 nouveaux diagnostics par an en 2010, contre près de 16.000 aujourd’hui, selon Sciences et Avenir. En 2022, la France était le quatrième pays au monde ayant le plus grand nombre d’apparitions de nouveaux cas, rapporte Le Monde.
D'autres cancers, ceux du rein, de la vessie, et de la prostate sont aussi pointés du doigt. Et la liste de ses dégâts sur la santé ne s'arrête pas là. Le cadmium augmente le risque de maladies cardiovascualaires, osseuses (ostéoporose), neurotoxiques ou encore d'inflammations hépatiques.
Il peut également entraîner des troubles de la reproduction, à la fois pour les femmes comme pour les hommes, et des effets sur l'appareil respiratoire et le système immunitaire.
Les agences sanitaires française et européenne, l’Anses et l’Efsa, ont retenu une dose maximale tolérable de 0,35 microgramme par kg de poids corporel et par jour pour les humains. Par exemple, cela représente 10,5 microgramme par jour pour un enfant de 10 ans pesant 30 kg et 24 microgramme pour un adulte de 70 kg.
À raison d’une barre de chocolat par jour, ce sont jusqu’à 9 microgramme de cadmium qui sont potentiellement ingurgités quotidiennement. Cette portion apporte 85% de la dose maximale chez l’enfant, et le tiers chez l’adulte. Quant à la tablette entière, elle apporterait entre trois et neuf fois la dose maximale.
Or, 0.6% des adultes, 14% des enfants de 3 à 17 ans et près de 36% des moins de 3 ans dépassent cette dose journalière, selon l'Anses.
Un chiffre qui peut notamment s'expliquer par la consommation de céréales chez les plus jeunes. L'étude Esteban (Étude de santé sur l'environnement, la biosurveillance, l'activité physique et la nutrition) révèle que les enfants de moins de 18 ans qui en consomment 20 grammes par jour voient leur taux de cadmium augmenter de plus de 8,5% comparé à ceux qui en mangent très peu.
Quelles solutions?
"Si rien ne change, la teneur en cadmium de nos sols et donc de notre alimentation va continuer d’augmenter chaque année", avait alerté l’association Les Amis de la Terre sur son site.
La première solution serait ainsi d'agir à la source en réduisant l'usage agricole des engrais à forte teneur de cadmium. La concentration maximale autorisée dans les engrais français est de 60 mg/kg. Depuis 2019, l'Anses préconise de l’abaisser à 20 mg/kg, tout comme la Commission européenne d'ici à 2034.
Des pays comme la Finlande, la Hongrie ou encore la Slovaquie, ont déjà adopté le seuil des 20 mg/kg sur leurs territoires. La France prévoit, en juillet 2026, de l'abaisser à seulement 40 mg/kg, soit toujours au-dessus de ces recommandations.
Problème: il faudra attendre près d'un siècle pour que cette mesure entraîne un effet mesurable sur la santé publique, en raison de la lenteur du cycle de dépollution des sols, d'après Sciences et Avenir.
Pour agir à votre échelle, le mieux c'est de jouer sur votre mode de vie et votre alimentation. Pour les fumeurs, arrêter la cigarette réduirait votre imprégnation au cadmium tout en baissant le risque d’un cancer du poumon, de la gorge ou encore du tube digestif.
Pour ce qui est des sources de contamination alimentaires, comme ce sont pour la plupart des produits de consommation quotidienne, la tâche est plus difficile. "Varier son alimentation permet de limiter son exposition", conseille l'Anses.
Autres conseils: miser sur une alimentation riche en fibres pour diminuer l'absorption intestinale du cadmium et favoriser l'agriculture biologique. Selon une étude, les aliments bio contiennent 48% de cadmium en moins en moyenne.
"L’agriculture bio pourrait être une solution car en bio, on a le droit d’utiliser des engrais phosphatés sous forme de phosphates naturels, mais on utilise plus souvent des engrais organiques comme les fumiers, composts, fientes de volailles... Ce qui enrichit le sol en humus qui a tendance à retenir le cadmium et limiter le transfert vers la plante", détaille Thibault Sterckeman.
Attention, cependant, lorsque les parcelles conventionnelles sont reconverties en parcelles bio, cela ne permet pas de supprimer le cadmium. En effet, la période de conversion, qui est de deux à trois ans, est suffisante pour éliminer les pesticides mais pas le cadmium, d'après le spécialiste.
Suite à la tribune des médecins, le ministre de la santé, Yannick Neuder, a annoncé devant l’Assemblée nationale la prise en charge et le remboursement des tests de dépistage pour le cadmium "à l'automne en médecine de ville".