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Le Nutri-Score est-il utile? La notation nutritionnelle remise en cause en France et en Europe

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Le Nutri-Score, cette notation de la qualité nutritionnelle des aliments, est remis en question depuis quelques jours, à la fois à l'échelle nationale et à l'échelle européenne, malgré son utilité pour les consommateurs. RMC Conso vous explique.

Le Nutri-Score est au cœur des débats. Ce logo, qui note la qualité nutritionnelle des aliments en leur attribuant une note de A à E, a été mis en place en 2017 et a acquis au fil des années une grande popularité. 94% des Français y sont favorables selon Santé publique France.

Pourtant, depuis quelques jours, il fait l'objet d'une controverse au sein du gouvernement. Le changement de son mode de calcul, en janvier 2024, toujours pas appliqué à ce jour, est retardé parce qu'il ne plaît pas à tout le monde.

Professionnels de santé et associations de consommateurs sont au contraire unanimes: le Nutri-Score est utile pour les consommateurs. Explications.

Un système d'information efficace

Le Nutri-Score est on ne peut plus simple à comprendre: les notes A et B, sur fond vert foncé ou vert clair, pour les produits jugés bons pour la santé et les notes C, D, et E, sur fond jaune, orange et rouge, pour les produits jugés moins bons.

Même si le système n'est pas parfait, et qu'il simplifie à l'extrême la compréhension des impacts des nutriments sur notre santé, il permet tout de même de savoir en un coup d'œil si un aliment est jugé trop gras, trop sucré, trop salé... Pas dans le but de le supprimer complètement de notre alimentation, mais simplement d'en modérer la quantité consommée.

Sans lui, il faudrait parvenir à retenir les doses journalières maximum recommandées pour chaque nutriment (25g de sucre ajouté, 5g de sel, 30g d'acides gras saturés...) et les opposer aux tableaux nutritionnels, à l'arrière des emballages, dans des polices d'écriture quasi illisibles... Une fastidieuse entreprise.

Un des problèmes du Nutri-Score aujourd'hui est néanmoins qu'il est... Faux, sur un certain nombre d'emballages. Le nouveau calcul est effectivement plus sévère, pour être au plus près des recommandations de santé. Il dégrade donc les notes de certains produits jugés trop sucrés, entre autres.

Des Nutri-Scores obsolètes sur certains emballages

Mais comme, un an et demi après son actualisation, ce nouveau Nutri-Score n'est toujours pas entré en vigueur, les industriels maintiennent le statu quo et laissent sur leurs emballages l'ancien Nutri-Score.

Ainsi, un paquet de céréales Chocapic, auparavant noté A, devrait voir sa note descendre à C, mais continue d'arborer fièrement la couleur vert foncé. Même chose pour les yaourts à boire Actimel de Danone, qui affichent la note de B alors qu'ils sont D avec le nouveau calcul.

Un arrêté doit permettre l'officialisation du nouveau Nutri-Score, mais il reste en attente de signature par les ministres concernés (ministre de la Santé, de l'Agriculture et de l'Économie). Si les changements de gouvernement expliquent en partie ces retards, le blocage est désormais ailleurs.

Le 5 mars, la ministre de l'Agriculture Annie Genevard a en effet admis qu'elle différait volontairement la signature de l'arrêté, étant opposée au nouveau calcul du Nutri-Score. Selon elle, il pénalise injustement les produits laitiers.

Rappelons que les deux plus grosses entreprises agroalimentaires françaises sont des acteurs du secteur laitier: Lactalis (29 milliards d'euros de chiffre d'affaires), qui est contre le Nutri-Score depuis ses débuts, et Danone (27 milliards d'euros de chiffre d'affaires), qui était initialement pour mais conteste le nouveau mode de calcul.

L'entreprise a décidé de retirer l'affichage de ses boissons et yaourts à boire et selon une information de Radio France, envisagerait le retrait du Nutri-Score de l'intégralité de ses produits.

Plus de projet d'obligation à l'échelle européenne

Le Nutri-Score est également boudé à l'échelle de l'Europe, qui devait pourtant rendre un affichage nutritionnel obligatoire à l'horizon 2022. Selon l'enquête de Radio France, le projet a été abandonné sous la pression de l'Italie. La cheffe du gouvernement Giorgia Meloni estime qu'il porte préjudice à la gastronomie italienne.

L'Italie est aussi le pays de Ferrero, géant de la confiserie (Kinder, Nutella) aux 18 milliards d'euros de chiffre d'affaires, dont les produits seraient tous notés E, s'ils adhéraient au Nutri-Score.

Il y a donc de fortes chances que le Nutri-Score reste facultatif. En France, il est présent sur 60% de l'offre alimentaire et résistera si la ministre de la Santé Catherine Vautrin, qui, selon une information de la rédaction de RMC est pour le nouveau Nutri-Score et a déjà signé l'arrêté, parvient à convaincre sa collègue de l'Agriculture.

Mais les consommateurs eux-mêmes peuvent aussi changer la donne: selon une étude du panéliste NielsenIQ, à produits équivalents, ils préfèrent choisir un produit qui a le Nutri-Score (même mauvais) que celui qui ne l'a pas. Si cette préférence se reflète dans les chiffres de ventes, les marques réticentes pourraient finir par changer d'avis.

Charlotte Méritan