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Moins cher que le bio, le label Zéro résidu de pesticides est-il un bon compromis pour manger mieux?

Des tomates cerises dans un bac en carton, cultivées sans pesticide.

Des tomates cerises dans un bac en carton, cultivées sans pesticide. - Fred TANNEAU / AFP

Lancé en 2018, le label Zéro résidu de pesticides (ZRP) est présent sur les emballages de plus de 150 références de fruits et légumes. Il n'interdit pas, mais limite l'usage des pesticides. Est-il le bon compromis entre les aliments bios et ceux conventionnels?

Une troisième voie entre l'agriculture conventionnelle et le bio. Voilà comment se présente le label "Zéro résidu de pesticide", que vous avez peut-être déjà repéré en faisant vos courses. Ce petit macaron vert estampille de plus en plus de fruits et légumes en rayon, qu'ils soient frais, en conserve, surgelés ou même en jus. Et garantit aux acheteurs non pas qu'aucun pesticide n'a été utilisé dans leur production, mais qu'il n'en reste plus aucune trace sur le produit fini.

D'après Julie Sabourin, coordinatrice du collectif Nouveaux Champs qui porte ce label, 350 producteurs sont engagés dans cette démarche. Et 28 différentes espèces de fruits et légumes sont disponibles en grande distribution avec ce label: des tomates, des carottes, des abricots, des pommes ou encore des pâtes alimentaires.

À l'heure où une partie de la population est particulièrement vigilante et engagée contre l'usage des pesticides, on l'a vu avec le succès de la pétition contre la loi Duplomb qui a récolté plus de deux millions de signatures, ce label ZRP devrait convaincre les consommateurs. En effet ses produits sont assez nettement moins chers que le bio, et en théorie plus sains que le conventionnel. Il serait donc le parfait compromis entre les deux?

Des réticences de nombreuses associations et ONG

Et pourtant, ce label ne fait pas consensus. Ses volumes sont encore relativement faibles dans les rayons (moins de 1% des ventes de fruits et légumes), alors qu'il a été lancé il y a tout de même sept ans. Le nombre de producteurs engagés dans cette démarche a même diminué: ils étaient encore 600 début 2023, soit presque deux fois plus qu'aujourd'hui. Enfin, de nombreuses associations et ONG environnementales lui reprochent son manque d'exigence, voire de transparence.

Les critiques de ces dernières à son égard sont dures. Elles pointent notamment le fait qu'il s'agisse d'un label privé, à la différence par exemple du label Agriculture biologique (AB). Le Réseau action climat, dans un rapport sur l'action de la grande distribution en faveur du climat, allait jusqu'à estimer que ce label "crée de la confusion chez les consommateurs" et "est sans véritable valeur ajoutée pour l’environnement".

Qu'est-ce qui lui fait affirmer cela? D'abord au sujet de la supposée confusion créée par ce label, son intitulé et sa forme lui sont régulièrement reprochés. Cette couleur vert pomme rappelant celui du label AB, ou encore le fait que le "zéro" soit écrit en bien plus gros que le reste. Tout cela peut laisser croire qu'aucun pesticide n'a été utilisé...

Et c'est justement là que le bât blesse. Le fait que les producteurs labellisés "zéro résidu de pesticide" en épandent bel et bien durant la production est un point non négociable pour une association comme Générations Futures.

Deux fois moins de pesticides que dans le conventionnel

S'il peut bien avoir un intérêt pour la santé du consommateur qui sera moins exposé à ces substances chimiques à risque pour la santé, il n'en présente pas tant pour l'environnement. "Les milieux (eau, sol, air) et la biodiversité sont toujours exposés aux pesticides", regrette Générations Futures sur son site.

Julie Sabourin du collectif Nouveaux Champs défend le label en insistant sur le fait que sa démarche n'est pas la même que le Bio, et qu'il n'y a pas tant lieu de les comparer.

"Le Bio est sur un objectif de moyens. En l'occurrence aucun usage de pesticide de synthèse. Nous, nous sommes sur un objectif de résultat: proposer un produit sans résidu. Et dans tous les cas, nous arrivons à réduire notre usage de ces produits. En moyenne de moitié par rapport à du conventionnel", affirme-t-elle.

Il y aurait donc bel et bien un intérêt pour l'environnement, dans la mesure où l'épandage est tout de même diminué. Pour être labellisé ZRP, certains produits sont d'ailleurs totalement interdits.

Tout de même jusqu'à 10 microgrammes de résidus

L'exploitant qui s'engage dans la démarche "Zéro résidu de pesticides" se voit effectivement remettre deux listes de pesticides. L'une, rouge, contient des produits à utiliser le moins possible. Et l'autre, noire, des produits complètement proscrits.

Les pesticides "rouges" doivent être utilisés suffisamment en amont pour que la molécule se dégrade. Et qu'il n'en reste plus au moment de la récolte. Une fois celle-ci effectuée, les produits sont envoyés à un laboratoire indépendant et certifié COFRAC (Comité français d'accréditation) pour que celui-ci les analyse.

Ce laboratoire vérifie qu'il y a au maximum 0,01 milligramme de pesticides par kilogramme de fruits et légumes. Mais, 10 microgrammes, ce n'est pas tout à fait zéro, pourrait-on objecter.

"C'est la plus petite valeur quantifiable par la science. Les laboratoires ne sont pas capables d'aller en-dessous, alors c'est la valeur que l'on prend comme référence dans notre cahier des charges", justifie Julie Sabourin à RMC Conso.

Un manque de reconnaissance

Malgré cette explication, pour Générations Futures il y a tromperie à l'égard du consommateur. "La réalité, c'est que les termes 'Zéro résidus de pesticides' induisent le consommateur en erreur", estime l'association.

Dernier point à savoir concernant le label ZRP: un producteur peut entrer et faire sortir une de ses cultures du dispositif. S'il choisit d'épandre un des pesticides interdits pour protéger une de ses parcelles, alors il perdra son label. Mais il pourra faire en sorte de le récupérer dès l'année suivante. "Nous avons une certaine souplesse dans la labellisation", reconnaît Julie Sabourin.

C'est en partie pour cela que le nombre de producteurs certifiés ZRP est passé de 600 à 350 aujourd'hui. L'inflation et la hausse des coûts de production ont pu mettre à mal la rentabilité de certaines exploitations engagées dans la démarche ZRP, qui ont dû s'en émanciper.

En résumé donc, le label "zéro résidu de pesticide" pâtit d'un certain manque de reconnaissance, qui freine quelque peu son développement. Les consommateurs engagés dans une démarche responsable lui privilégieront presque systématiquement le Bio. Néanmoins, si vous n'êtes pas prêt à dépenser jusqu'à 30% plus cher pour des produits labellisés AB, le ZRP constitue toujours un compromis. En dépit des critiques des associations à son égard, il présente toujours un intérêt par rapport au conventionnel.

Arthur Quentin