"On a 25% des gens qui disent sauter des repas": les prix alimentaires s'envolent encore

Vers un "semestre rouge" sur l'inflation? Un mois après la fin des négociations entre industriels et distributeurs, la hausse des prix s’accélère. En mars, elle a grimpé à 16,2 % sur un an pour les produits de grande consommation, après 14,5 % le mois précédent, selon l’institut Circana (ex-IRI). Il y a six mois, on était sur un rythme de 11%.
"Il y a encore une progression alors que la hausse était déjà significative", alerte dans "Apolline Matin" ce mercredi sur RMC et RMC Story Flavien Neuvy, économiste et directeur de l'Observatoire Cetelem.
Et l'accélération est particulièrement sensible sur les prix des produits qui ont fait l’objet de négociations après entre les grandes enseignes et les industriels jusqu’au 1er mars. Parmi les plus fortes envolées, figurent les viandes surgelées (+ 32 %), les mouchoirs (+30%) le papier toilette et le sucre (+27 %), le lait, et les chips (+25 %), les huiles, le beurre et la crème (+24 %).
Des conséquences graves
Des hausses de prix qui ont de nombreuses conséquences. "Les dépenses alimentaires pèsent lourd dans les dépenses des ménages, c'est la deuxième dépense après l'hébergement", rappelle Flavien Neuvy qui constate que les Français ont changé leur mode de consommation: "Ils font des renoncements, ils n'achètent plus de produits frais notamment bio, et de produits préparés. Ils n'achètent plus non plus d'alimentation plaisir comme des gâteaux et des produits apéritifs", ajoute-t-il.
Plus grave, les consommateurs sont parfois condamnés à faire de lourds sacrifices, abonde Pascale Hebel, spécialiste de la consommation, et directrice du département "consommation" au Crédoc: "On a 25% des gens qui disent sauter des repas". Et les plus touchés sont principalement les plus précaires, "les familles et les femmes seules avec des enfants ainsi que des personnes très âgées et ceux qui vivent dans les zones rurales", détaille-t-elle.
Pour faire face à la hausse des prix, les Français s'adaptent: "Ils font beaucoup plus attention à ne pas jeter les produits et éviter le gaspillage alimentaire. Et ils se remettent à comparer les prix", explique Flavien Neuvy. En regardant à la loupe, en un an, la hausse reste plus forte pour les marques distributeurs (plus impactés par la hausse des matières premières), même s’ils restent 20 à 30% moins chers que les produits de grande marque.
Pas d'amélioration avant l'été
Les écarts de prix entre enseignes se sont aussi creusés. Si l'on compare les prix pratiqués par les deux enseignes les moins chères et ceux pratiqués par les deux enseignes les plus chères, l’écart est passé de 17% quand l’inflation était faible à 32% aujourd'hui, un record historique. Cela veut dire que certains distributeurs ont choisi de répercuter les hausses de tarifs, tandis que d’autres ont préféré réduire leurs marges. Plus que jamais, il faut comparer les prix.
Ces chiffres d'inflation record viennent s'additionner à une période déjà difficile qui dure depuis le début de la guerre en Ukraine. "C'est du jamais-vu", alerte Olivier Dauvers spécialiste de la grande distribution, qui prévient que cela ne risque pas de s'arrêter tout de suite: "Il est assez probable que l'inflation continue deux à trois mois, le temps que les nouveaux tarifs négociés entre industriels et distributeurs se répercutent. Les prix baisseront un peu à partir de l'été mais ne retrouveront pas leur niveau d'avant".