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Économie

Pourquoi les retards de paiement entre entreprises sont-ils problématiques?

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D'après le médiateur des entreprises, les factures essuient de nombreux retards de paiement. Le phénomène est à la hausse depuis quelques années et les PME pâtissent particulièrement de la situation.

Le médiateur des entreprises a dressé un bilan inquiétant: en France, les factures ne sont pas réglées à temps. D'après les derniers résultats de l'organe public qui aide à résoudre les litiges, le niveau de saisines est stable ces dernières années mais reste élevé depuis la pandémie.

En quatre ans, le même nombre de médiations est comptabilisé que sur les dix années précédentes. Ce qui signifie que les tensions sont de plus en plus fortes entre les entreprises, les administrations et les services publics.

Des retards problématiques

Le gros point noir est la question des retards de paiements. Le sujet concerne quasiment la moitié des dossiers, soit 40% des saisines du médiateur.

Sauf qu'un jour de retard, c'est un milliard d'euros dans la mauvaise caisse. Un milliard d'euros qui reste chez les grandes entreprises plutôt que sur le compte des PME.

Une entreprise doit payer sa facture en 30 jours, éventuellement 60 s'il y a un accord.
Avant covid, le retard moyen était d’une dizaine de jours, mais il dépasse aujourd'hui les 14 jours.

Cela signifie que des petites sociétés peuvent attendre deux mois et demi avant de toucher leur argent. Et, selon le médiateur, les litiges pour retard de paiement continuent d’augmenter début 2025.

Le secteur privé dans le viseur

Les conséquences peuvent être lourdes. Fatales même. Alors qu’une grosse entreprise ou une administration "se fait" de la trésorerie sur le dos des plus petites, cet argent manque aux PME.

73 % de ces saisines ont été effectuées l’année dernière par des entreprises de moins de 25 salariés. Plus précisément, un tiers des demandes provenaient d’entreprises individuelles. Alors, à qui la faute ? Le privé, pour les trois-quarts des médiations: le secteur des services en tête, suivi par l’industrie, puis le commerce et le service public à égalité.

Selon le cabinet Altares, dans une étude du mois de septembre, moins d’une organisation française sur deux paye ses fournisseurs à l’heure. Du côté de l'Etat, le mauvais élève est l’hôpital public avec plus de 20 jours de retard en moyenne.

Une autre étude d’un assureur évoque cette fois une pratique généralisée et bien française. 85% des entreprises interrogées ont constaté des retards de paiement en 2024. Un quart des défaillances d’entreprise serait dû à des impayés. Les petites PME n’ont pas forcément les ressources pour relancer, les services juridiques adéquats non plus.

Le médiateur des entreprises s'inquiète particulièrement pour le BTP avec une demande de médiation sur cinq, en hausse constante depuis 2019. Les cas ont doublé en 4 ans. En cause: le virage COVID, mais aussi les crises qui ont suivi, comme la guerre en Ukraine, l’inflation ou le prix des matières premières, en particulier.
L’automobile est un autre secteur particulièrement touché avec son réseau important de petits sous-traitants.

L'enjeu du secteur de la défense

Le médiateur des entreprises alerte en outre sur l'importance de sécuriser l'industrie de la défense. Un effort massif devrait être demandé dans les années à venir.

La Base Industrielle et Technologique de Défense Française rassemble neuf grands groupes, comme les Dassault, Thalès ou encore Airbus. A leurs côtés se trouvent 4.500 entreprises de plus petite taille.

Les commandes vont "doubler ou tripler" et il y aura un besoin de trésorerie sans précédent. Il sera donc nécessaire de payer, et de le faire à temps.

Pour preuve qu'il s'agit d'un sujet de préoccupation, le ministère des Armées a déjà prévenu qu’il serait "particulièrement exigeant". Le ministère de l’Economie a de son côté confié une mission sur le secteur Défense au médiateur des entreprises. A suivre.

Matthieu Belliard