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Economie de guerre: investir dans la défense, est-ce un placement intéressant ?

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Les Français pourront bientôt investir au moins 500 euros dans un nouveau fonds de la BPI pour la défense. Rendement, risques... Cette stratégie en vaut-elle le coût sur le plan strictement financier pour les particuliers?

Le 20 mars, le gouvernement a réuni les acteurs du secteur de la défense à Bercy pour dévoiler la manière dont il compte financer l'effort de guerre. Le ministre de l'Economie Eric Lombard a révélé le lancement d'un nouveau fonds de la BPI de 450 millions d'euros pour permettre aux Français de financer le secteur de la défense. 

Investir de la sorte est intéressant, hors de toute considération philosophique ou patriotique. Première bonne raison: c’est tout simplement plus intelligent que de laisser dormir l’argent sur son compte courant, en attendant qu’il se fasse grignoter par l’inflation.

En moyenne, 8.000 euros dorment sur le compte courant des Français et ne rapportent rien, parce que leur propriétaire ne sait pas quoi en faire.

Aussi, le ticket d’entrée est raisonnable, à hauteur de 500 euros. Et ce seront quelques milliers d’euros au maximum. L'épargne sera ensuite bloquée pour au moins cinq ans.

Enfin, la défense est un des secteurs qui a le plus gros effet d’entraînement sur le reste de l’économie : 1 euro investi, c’est 2 euros de PIB en quelques années, ce qui est bon pour la croissance et l’emploi.    

Un meilleur rendement que le livret A

Un fonds prend des participations dans des entreprises, soit 4.000 dans le secteur de la défense en France, pour leur permettre de se développer. Il est donc impossible de garantir un taux d’intérêt fixe au départ.

Mais ces entreprises vont bénéficier de beaucoup d’argent frais (les particuliers mais aussi les banques) pour se renforcer. Elles auront des commandes publiques garanties, donc elles vont gagner de l’argent, mais au bout de quelques années.

Et au vu des perspectives d’activité, un rendement de 5% minimum par an paraît envisageable. Sauf qu'il ne sera pas possible de toucher l’argent tout de suite.

A titre de comparaison, 1.000 euros sur le livret A rapporte 24 euros chaque année. Dans 5 ans, 130 euros auront été accumulés. Avec ce nouveau fonds, vous gagnerez facilement le double, mais vous les toucherez plus tard, dans trois à cinq ans.

Un placement risqué ?

En théorie, il est possible de perdre de l'argent si les entreprises se plantent. Sauf que beaucoup d’entreprises se trouvent dans ce fonds, ce qui limite les risques de catastrophe.

Les perspectives d’activité sont bonnes, donc au final c’est un placement peu risqué. Le seul inconvénient est que l'argent reste immobilisé au moins 5 ans.

Hors de toute considération strictement financière, reste celle de la moralité. Au cours d'une conférence de presse, le ministre des Armées Sébastien Lecornu affirmait que "produire des armes n'est pas sale" et que "ce ne sont pas les armes le problème, mais ce qu'on en fait".

"Sans parler de morale et d'éthique, c'est un secteur particulier et il faut en avoir conscience. Le secteur de l'industrie de défense n'est pas un secteur comme les autres", indique François Mattens, co-fondateur de Défense Angels, réseau d'investisseurs privés dédié à la défense, à RMC.

Un investissement pour soutenir "la souveraineté de la nation"

Pour ce précurseur de ce type de placement, satisfait de voir ce nouveau fonds, le projet est évident face à l'actualité. "Je pense que tout le monde a conscience que le contexte a énormément changé avec l'Ukraine et avec une pression géopolitique et sécuritaire qui s'exerce sur la France et ça oblige à trouver de nouveaux mécanismes de financement", dit-il.

L'objectif est surtout de démontrer qu'il n'est pas incompatible de faire de l'investissement "en soutenant la souveraineté de la nation". Il s'agirait, d'après le spécialiste, de dire aux Français qui souhaitent s'engager et soutenir l'effort de défense, sans être militaire, que cette démarche est possible en mobilisant une partie de leur épargne.

Emmanuel Lechypre