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Économie

Quartiers "prioritaires": pourquoi l’argent public est mal dépensé et insuffisant

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La question des allocations et aides pour les quartiers "prioritaires" a ressurgi avec les dégradations de bâtiments publics observées ces derniers jours en marge des émeutes. Avec pas mal d'idées reçues.

Est-ce que l’Etat en fait assez pour les banlieues difficiles? On ne peut que constater l’échec des politiques de la ville, avec une situation économique dans les banlieues bien plus difficile, pour ces 7,5% de la population, que pour le reste du pays. Le taux de chômage y est deux fois plus élevé, 45% des jeunes n’ont pas d’emploi, 4 habitants sur 10 n’ont aucun diplôme et c’est deux fois plus que la moyenne nationale. Le taux de pauvreté est trois fois plus élevé que dans l’ensemble du pays, et il y a deux fois moins de propriétaires.

Pourquoi cet échec? Parce qu’en fait, il n’y a pas de vraie politique cohérente de la ville: il y a un enchevêtrement de zones prioritaires, en termes d'éducation, de sécurité, d’emploi, qui viennent s'ajouter aux périmètres existants des régions, des départements, des agglomérations et des communes. On ne sait plus qui décide et en plus, à la différence des Etats-Unis ou de la Grande-Bretagne, on n’évalue jamais l’efficacité des politiques engagées. Donc l’argent est saupoudré, mal dépensé. Et surtout, on ne dépense pas assez.

Il y a eu presque une quinzaine de plans banlieues, plus de 100 milliards d’euros depuis 40 ans. Et au moins 10 milliards d’euros par an, dit la Cour des comptes, soit moins de 1% du budget de l’Etat. La réalité, c’est que dans presque tous les domaines, on dépense moins pour les habitants des quartiers difficiles que pour les habitants des quartiers plus favorisés.

Moins de transferts sociaux, moins de médecins, moins d'équipements...

Les habitants des quartiers reçoivent moins de transferts sociaux que les autres habitants: 6.100 euros par an, contre 6.800. Ils sont moins bien soignés: 250 professionnels de santé libéraux pour 100.000 habitants, contre 400 dans le pays l’Observatoire national de la politique de la ville (ONPV). 40% des quartiers prioritaires ne disposent pas d’une crèche, avec deux fois plus de familles monoparentales.

On peut également noter 40% de bibliothèques en moins par habitant que dans le reste du territoire, et trois fois moins d’équipements sportifs. C’est dans les quartiers avec le plus de difficultés scolaires que les enseignants sont les plus jeunes et les moins expérimentés.

Il y a les politiques sociales, mais comme dans tout le reste du pays. Ces quartiers "prioritaires" portent ainsi mal leur nom.

Emmanuel Lechypre (édité par J.A.)