A la rencontre des "Monuments Men" syriens
Lorsqu’il a appris la nouvelle de la reconquête de Palmyre, Mohammad a eu du mal à le croire. Enfin, il allait pouvoir partir à la recherche du corps de son père, Khaled, directeur des antiquités de la ville de depuis 40 ans, exécuté par l’Etat islamique en août dernier. "Je me suis enfui de Palmyre une heure avant l’arrivée de Daesh. J’ai dit à mon père de me suivre, il m’a répondu 'Non, je reste là. Hors de question de laisser Palmyre'. Daesh l’a arrêté, l’a emprisonné pendant 28 jours. Puis finalement, ils l’ont décapité. Ils ont suspendu son corps à un poteau dans la rue. Et ils ont posé sa tête par terre", témoigne-t-il.
Dans cette guerre qui détruit tout, ils sont un petit groupe d’archéologues à avoir choisi un seul camp, celui du patrimoine. Sous la direction de Maamoun Abdulkarim, ces passionnés ont pris tous les risques pour mettre les œuvres d’art à l’abri. "En temps de guerre, au cours des affrontements, ils ont transporté 24.000 objets pendant 13 heures, d'Alep jusqu'à Damas". A force de bravoure et de prises de risques, ces archéologues ont gagné le surnom de "Monuments men" syriens, du nom de ces Américains envoyés en Europe pendant la Seconde Guerre mondiale pour sauver les œuvres d’art des pillages nazis.
"Ça me fait mal au cœur"
Au total, 300.000 objets ont été évacués des zones de combat et cachés autour de Damas, dans des lieux tenus secrets. Le musée de la capitale a été complètement vidé. Aujourd'hui, il n’y a plus que de la poussière dans les vitrines. Comme si le temps s’était arrêté… "Ça me fait mal au cœur. Chaque fois que je passe ici, je sais qu'on est en guerre parce qu'ici on devrait avoir un musée rempli", se désole Maamoum Abdulkarim. Mais son cœur lui dit aussi que sauver ces vestiges, était sa mission. Et qu’il l’a accomplie.
"Je suis sûr qu'un jour le peuple syrien sera content. Car malgré toute la tragédie, toutes les difficultés vécues, nous avons pu sauver ces collections, se réjouit-il. C'est un cadeau pour ce peuple. Son histoire a été sauvée pour les générations futures". En revanche, face à la destruction de cités millénaires, comme Homs ou Alep, Maamoun et son équipe n’ont rien pu faire. Mais ça, il préfère ne pas y penser.