Arménie: le déplacement de Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, arrive trop tard

Catherine Colonna, la ministre des Affaires étrangères, se rendra ce mardi en Arménie pour soutenir ce pays et condamner l'Azerbaïdjan. Mais ce voyage intervient trop tard pour l’enclave du Karabagh. Trop tard parce que l'Azerbaïdjan a gagné et a réussi à faire fuir la quasi-totalité de la population arménienne qui vivait dans ce petit territoire du Karabagh.
L'Azerbaïdjan a lancé une offensive éclair, il y a 15 jours. Les Arméniens ont eu le choix entre la valise et le cercueil, le départ ou la mort, et ils ont choisi l'exil. On a vu ces images impressionnantes d’immenses files de voitures avec ces familles qui ont tout laissé derrière elles: leur vie, leurs maisons, leurs emplois, leurs champs et les cimetières où sont enterrés leurs ancêtres. C’est ce que l’on appelle une opération de purification ethnique.
Qu'attendre de la visite de Catherine Colonna?
Si la visite de Catherine Colonna arrive trop tard pour le Karabagh, la France espère décourager l'Azerbaïdjan de lancer d’autres offensives. À la télévision, il y a huit jours, Emmanuel Macron avait déjà mis en garde l'Azerbaïdjan contre toute offensive contre le territoire arménien.
La crainte, c’est que les troupes de Bakou tentent de prendre le contrôle de la région la plus au sud de l'Arménie. Ce qui permettrait d’assurer une continuité territoriale entre l'Azerbaïdjan et la Turquie. Ces deux pays parlent la même langue, ils disent qu’ils sont deux pays mais une seule nation. Et c’est un vieux rêve des Turcs de pouvoir aller sans obstacle de la Méditerranée jusqu'à la mer Caspienne. Comme à l'époque de l’empire Ottoman.
Fort de leur succès au Karabagh, et voyant que ni l'Europe, ni les Russes n’ont réagi, l'Azerbaïdjan pourrait lancer une offensive dans cette région du Syunik, à l'extrême sud de l'Arménie.
Mardi à Erevan, Catherine Colonna devrait annoncer l’ouverture d’une antenne consulaire dans cette région. Pas sûr que la seule présence d’un consul français suffise à décourager l'Azerbaïdjan, mais c’est tout de même un geste diplomatique fort et assez courageux. Et la France aimerait bien recevoir un peu plus de soutien des Européens.
Pourquoi les Européens ont-ils si peu réagi jusqu'à présent?
Plusieurs raisons expliquent la lente réaction des Européens: la première, c’est qu’ils n’ont pas eu le temps. La guerre entre l'Azerbaïdjan et l'Arménie aura duré 48 heures. Les indépendantistes arméniens, qui contrôlent le Haut-Karabagh depuis la chute de l’URSS, ont très vite perdu la bataille et accepté de déposer les armes. Cela n’a laissé le temps à personne, ni à l'Europe ni à d’autres de tenter de négocier ou de menacer l'Azerbaïdjan.
L’autre raison, moins honorable, c’est que l’Europe a besoin de l'Azerbaïdjan pour son gaz et son pétrole. La présidente de la commission européenne est allée à Bakou en juillet dernier pour signer des accords importants. L'Azerbaïdjan va livrer à l'Europe environ 20% de ses besoins en gaz jusqu’en 2027. De quoi freiner les Européens dans l'éventualité des sanctions économiques contre l'Azerbaïdjan…
L'Azerbaïdjan, une dictature
L'Azerbaïdjan est pourtant une dictature peu fréquentable avec l'absence de liberté de la presse, une justice aux ordres, des opposants emprisonnés. Le pays est dirigé depuis près de 60 ans par la famille Aliev. Le père Heydar était un général du KGB, devenu patron du pays dans les années 1960 quand l'Azerbaïdjan était une république de l'Union soviétique. Puis il a été président après l'indépendance en 1993, avant de laisser la place à son fils Ilham qui dirige le pays d’une main de fer depuis 20 ans. Et à la prochaine présidentielle, Ilham compte s’effacer au profit de sa femme.
L'Azerbaïdjan, c'est une affaire de famille, de pétrole et de gaz. En face, la petite démocratie arménienne ne pèse pas lourd.