La France réduit de 50% le nombre de visas aux ressortissants maghrébins: que disent les chiffres?
Serrage de vis. La France a annoncé la réduction du nombre de visas accordés. Une baisse de 50% pour les ressortissants du Maroc et de l'Algérie et de 33% pour ceux de Tunisie. Le Maroc regrette la "décision injustifiée" de la France.
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C'est une décision inédite, aux allures de sanction pour le Maroc, l'Algérie et la Tunisie qui refusent de rapatrier leurs ressortissants en situation irrégulière et qui auraient commis des actes de terrorisme, crimes ou délits.
Par exemple, entre janvier et juillet dernier, seuls 22 ressortissants Algériens ont pu être expulsés, alors que la France a ordonné 7731 obligations de quitter le territoire.
Mais alors quels sont les autres chiffres?
Les "obligations de quitter le territoire"
Les chiffres des procédures d'expulsions enclenchées par les autorités, soit les "obligations de quitter le territoire français" (OQTF), sont les seuls à avoir augmenté pendant la crise du Covid-19.
Entre le 1er janvier et juillet 2021, 7.731 Algériens ont été visés par ces OQTF, soit 47% de plus qu'à la même période en 2020, selon les données transmises par le ministère de l'Intérieur à l'AFP. 3.301 Marocains sont dans la même situation (+25%), presque autant que les Tunisiens, 3.424 (+43%).
Placements en rétention
Sur les mêmes sept premiers mois de 2021, les placements en centres de rétention administratives (CRA), où sont retenus les étrangers en situation irrégulière dans l'attente de leur expulsion, ont chuté de 55% par rapport à 2020 pour les ressortissants algériens (597 contre 1.321 entre janvier et juillet 2020).
542 Marocains ont été enfermés en CRA (-16%), tandis que les chiffres sont stables pour les Tunisiens (674 en 2021, 656 en 2020).
Laissez-passer consulaires
C'est sur le sujet des laissez-passer consulaires (LPC) que le bât blesse, point d'achoppement entre la France et ces trois pays qui n'en délivrent qu'au compte-goutte, freinant des expulsions déjà rendues compliquées par la crise sanitaire et les fermetures des frontières. La décision française sur les visas vise justement à "pousser les pays concernés à changer de politique et accepter de délivrer ces laissez-passer consulaires", a expliqué le porte-parole du gouvernement Gabriel Attal.
Seulement 31 ont été délivrés par l'Algérie en 2021 (-90% par rapport à la même période de 2020, et alors qu'elle en délivrait 1.142 en 2019), soit un "taux de coopération" de 5%, selon la Place Beauvau.
Le Maroc a délivré 138 de ces documents entre janvier et juillet, un nombre stable avec un taux de coopération de 25%. La Tunisie en a émis 153 sur la même période (soit plus qu'en 2020, 134, mais quatre fois moins qu'en 2019), pour un taux de coopération de 23%.
Les expulsions effectives
Résultat, le nombre de "retours forcés exécutés" est en chute, en particulier pour l'Algérie, où la baisse est de 94% entre 2021 et 2020: seulement 22 Algériens ont été renvoyés entre janvier et juillet, contre 385 sur la même période de 2020 et 1.677 en 2019. En 2021, le taux d'éloignement, soit le ratio entre le nombre de personnes sous OQTF et le nombre de personnes effectivement expulsées, est tombé à 0,3%, contre 18% en 2019.
Ce taux est également en chute libre côté marocain en 2021: 2,4%. 80 ressortissants marocains ont été expulsés, soit deux fois moins qu'en 2020.
Un taux qui ne cesse de décroître en Tunisie, aussi: 4% en 2021, 8% en 2020, 19% en 2019. Entre janvier et juillet cette année, 131 Tunisiens ont été expulsés.
Les visas
Reste que le nombre de visas demandés par les ressortissants de ces trois pays baisse significativement, lui aussi.
Entre janvier et juillet 2021, 11.815 demandes algériennes ont été déposées alors qu'il y en avait 504.173 en 2019. 8.726 visas leur ont été délivrés. Côté marocain: 24.191 visas demandés et 18.579 délivrés en 2021. A titre de comparaison, en 2019, c'était 420.000 demandes, 346.000 acceptations.
En Tunisie, cette année, 12.921 visas pour la France demandés, 9.140 obtenus (192.000 demandés en 2019, 145.000 obtenus). La France menace désormais de baisser de 50% ces délivrances de visas
Des relations compliquées avec ces pays
Les rapports diplomatiques compliqués avec ces trois pays n'ont pas aidé à trouver une solution. Affaire Pegasus, du nom du logiciel d'espionnage que le Maroc est accusé d'avoir utilisé. Des relations parasitées aussi avec l'Algérie sur la question mémorielle et coup de force du président en Tunisie à moins de 7 mois de la présidentielle...
C'est aussi une façon... pour le gouvernement de hausser le ton sur l'immigration alors que droite et extrême droite l'accusent de laxisme.