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Mort du Pape François: abus sexuels dans l'Eglise, LGBT, réforme... Que retenir de son pontificat?

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Le Pape François souverain pontife s'est éteint ce lundi 21 avril 2025 à l'âge de 88 ans. L'Argentin, premier pape non-européen et jésuite à devenir chef du Saint-Siège, aura régné pendant 12 ans. Considéré comme progressiste en opposition au conservateur Benoit XVI, que faut-il retenir de son bilan?

Le pape François est mort ce lundi 21 avril à l'âge de 88 ans, a annoncé le cardinal Kevin Farrell. Son pontificat, débuté le 13 mars 2013, aura duré 12 ans. Premier non-européen et jésuite à être le chef du Saint-Siège, l'Argentin avait succédé à Benoit XVI après sa renonciation pour raisons de santé.

Si ce dernier était considéré comme un pape conservateur, François, Jorge Mario Bergoglio de son vrai nom, bénéfice d'une image davantage progressiste, voir moderne. Réforme de la Constitution apostolique, LGBT+, migrants, violences sexuelles au sein de l'Église, place des femmes... Des paroles davantage des actes? Voici ce qu'il faut retenir de son bilan.

Réforme

Le principal héritage du pontificat du pape François, dans les faits, réside dans sa réforme de la Constitution apostolique, promulguée en mars 2022 et entrée en vigueur en juin. Nommée "Praedicate Evangelium" (Annoncez l'Évangile), elle remplace à l'époque celle publiée par Jean-Paul II en 1988. En chantier depuis 2013, année de l'intronisation de François, le texte permet aux femmes d'être nommées à la tête des dicastères.

Pour autant, la première femme à occuper un tel poste n'arrivera qu'en janvier 2025, à savoir la soeur Simona Brambilla. Les laïcs sont aussi concernés, et ce, dans la volonté du souverain pontife de réduire le cléricalisme au sein de l'Église. Pourtant, le pape François n'autorise pas durant son mandat l'ordination des femmes ni celle des hommes mariés.

Abus sexuels

La réforme de la curie romaine intègre aussi l'intégration d’une commission consultative du pape sur les abus sexuels du clergé. Si la négligence d’un évêque en cas d’abus sexuel constitue, depuis 2016, un motif de destitution, ainsi que la convocation en février 2019 d'un sommet à Rome, les révélations massives à ce sujet ne cesseront d'émailler son pontificat, jusqu'à celles concernant l'abbé Pierre en juillet 2024. Le rapport de 2.500 pages rendu en octobre 2021 par la commission indépendante sur les abus sexuels dans l’Église (Ciase), appelé également commission Sauvé, constitue une déflagration.

Au total, selon l’estimation de la commission, 216 000 personnes, depuis majeures, auraient été agressées par un prêtre ou un religieux alors qu’elles étaient mineures. Surtout, l'Eglise est mise en cause, pour avoir dissimulé les faits de façon "systématique".

Le pape réagit à l'époque, faisant part de "son chagrin" avec le souhait que "la culture de l’abus dans l’Église soit éradiquée". Un tribunal pénal national canonique est créé en France en décembre 2022, tandis que François "demande pardon" aux victimes françaises en novembre 2023.

LGBT

Le pape François n'a eu de cesse, pendant son règne, de prendre la parole pour défendre les personnes discriminées, marginalisées et pauvres. Le choix du nom François (découle de cette vision puisqu'il se réfère à Saint-François d'Assise, le "petit pauvre".

La question de l'homosexualité a toujours été conflictuelle au sein de l'Eglise. L'évêque de Rome décide pourtant de débuter son pontificat en 2013 par une phrase qui rentrera dans l'histoire: "Si une personne est gay et cherche le Seigneur avec bonne volonté, qui suis-je pour la juger ? ", lance-t-il le 29 juillet 2013.

Dix ans plus tard, il estime que l'homosexualité n'est pas un "crime" et qualifie "d'injustes" les lois qui la criminalisent. Ceux qui les font ont "tort". Toutefois, celle-ci demeure un "péché", selon François. Face à la polémique, il précise ensuite sa pensée: "Quand j’ai dit que c’était un péché, je me référais simplement à l’enseignement moral catholique, qui dit que tout acte sexuel en dehors du mariage est un péché".

Si le mariage catholique reste interdit aux personnes de même sexe, le pape François autorise, en décembre 2023, leur bénédiction "sous une forme qui ne doit pas être fixée rituellement par les autorités ecclésiales".

Migrants

La question des réfugiés est aussi abordée dès les premiers mois de François au Saint-Siège. Il se rend notamment, en juillet 2013, sur l’île italienne de Lampedusa, après la mort de plusieurs migrants dans la Méditerranée et dénonce "la mondialisation de l’indifférence" qui "habitue à la souffrance des autres". Les dirigeants politiques sont aussi visés puisqu'il les appelle à "cesser d'avoir peur des problèmes que la Méditerranée nous pose". Le pape plaide n'aura cessé de plaider en la faveur de l'accueil des réfugiés, qualifiant de "péché grave" les tentatives visant à les repousser.

En février 2025, le souverain pontife s'est aussi élevé contre le projet de déportation des Palestiniens de la bande de Gaza, proposé par Donald Trump et soutenu par le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu. Il dénonce par ailleurs comme une "folie" les attitudes hostiles aux migrants et en critiquant les personnalités catholiques américaines de droite pour leurs positions trop conservatrices.

Écologie

Les politiques sont aussi visés par François en ce qui concerne l'écologie. Dans son exhortation apostolique publiée en octobre 2023, "Laudate Deum", le pape met en cause la responsabilité des États et des multinationales concernant le réchauffement climatique, à savoir des "grandes puissances économiques soucieuses du plus grand profit au moindre coût et dans les plus brefs délais possibles". Ainsi, le pape François ne nie pas "l'origine humaine" sur le changement climatique. x

Antonio Spadaro, jésuite proche du pape et rédacteur en chef de la revue bimensuelle italienne La Civiltà Cattolica, affirme d'ailleurs auprès de Slate, à l'occasion des 10 ans du pontificat de François en 2023, que celui-ci ne craint pas "de se mettre à dos les partisans de l'économie ultralibérale en dénonçant 'l'économie qui tue', 'le capital érigé en idole', 'l'ambition sans retenue de l'argent qui commande', argent qu'il qualifiait en juillet 2015 en Bolivie de 'fumier du diable'".

Une église "ouverte" mais un pape autoritaire?

Constatant l'effondrement de la pratique catholique en Europe, le pape François a voulu élargir les portes de l'Eglise, alors que les fidèles augmentent en Afrique, en Asie et en Amérique. Conséquence, depuis 2013, les cardinaux asiatiques au sein du collège électeur ont doublé, alors que ceux Italiens ont considérablement diminué, soulignait Ouest France en 2023.

Au point que dans les couloirs du Vatican, le pape François soit parfois décrit comme autoritaire. Le "papologue" et journaliste Arnaud Bédat affirme auprès du Parisien, en 2023, qu'il "a fait le ménage à Vatican" tandis que l'historien Giovanni Maria Vian avance un "fait connu", à savoir qu'il "n'a pas hésité à couper quelques têtes au sein de la curie".

Des paroles, mais peu de réformes?

C'est en tout cas le sentiment partagé par plusieurs personnes dont l'historienne Lucetta Scaraffia, également interrogée dans Slate à l'occasion des 10 ans du pontificat de François, en 2023. "Je suis très déçue parce que le pape a toujours dit des choses très intéressantes qui donnaient beaucoup d'espoir, mais il n'a rien fait !"

LM