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Mort de deux soldats en Irak: pourquoi l'armée française est toujours déployée au Levant?

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Deux soldats français sont morts à deux jours d'intervalle en Irak où les forces françaises sont toujours déployées dans le cadre de l'opération Chammal. Sur place, elles forment notamment les forces de sécurité irakienne et apportent un soutien dans la lutte contre Daesh.

L’Elysée a annoncé mardi la mort en Irak de Nicolas Latourte, un soldat français du 6ème régiment du génie d’Angers. Deux jours plus tôt, un autre soldat français était décédé dans un accident de la route. Deux morts coup sur coup qui rappelle que des soldats français sont toujours présents en Irak.

Nicolas Latourte, est mort dimanche donc, lors d'un exercice d'entraînement au combat en zone périurbaine. Son décès a été constaté dans un hôpital militaire d'Erbil, la capitale du Kurdistan irakien. Vendredi, Baptiste Gauchot, sergent du 19ème régiment du génie, avait perdu la vie dans un accident de la circulation, alors qu'il participait à une mission d'instruction des forces armées irakiennes.

Quelque 600 soldats français sont actuellement déployés en Irak dans le cadre de l’opération Chammal lancée en septembre 2014. Une opération bien moins médiatisée que d’autres comme l’opération Barkhane au Sahel.

Laurent Neumann : Pourquoi y a-t-il encore des militaires français en Irak ? - 22/08
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Que font ces soldats en Irak?

L'opération Chammal, c’est le volet français d’une vaste opération internationale baptisée Inherent Resolve qui rassemble 80 pays. Son but : apporter un soutien militaire aux Forces de sécurité irakiennes contre Daech et faciliter la montée en compétences des soldats irakiens. En soutien, nos soldats bénéficient de la présence d’une frégate dans le Golfe arabo-persique et d’une dizaine de Rafale positionnés notamment aux Emirats Arabes Unis pour mener des missions de renseignements et de reconnaissance.

Pour tout comprendre, il faut remonter 20 ans en arrière. Le 20 mars 2003, une coalition dirigée par les Etats-Unis de Georges W. Bush décide d’envahir l’Irak du dictateur Saddam Hussein sans avoir reçu le feu vert de l’ONU. Pour, "désarmer l’Irak, libérer son peuple et défendre le monde contre un grand danger", assurait à l'époque le président américain en évoquant les fameuses armes de destruction massive qui n’ont en fait jamais existé.

Or, plusieurs pays avaient alors refusé de participer à cette deuxième guerre du Golfe : la Russie, la Chine, l’Allemagne et la France avec le fameux "non" de Jacques Chirac et le non moins fameux discours à l’ONU de son ministre des affaires étrangères Dominique de Villepin. Discours applaudi, ce qui est rare, et salué notamment par une grande partie du monde arabe mais qui fut la cause de relations très dégradées avec Washington.

Et maintenant?

Aujourd’hui, l’Irak et la France ont signé ce qu’on appelle un partenariat stratégique dans les domaines militaire, économique, sanitaire, éducatif et même environnementaux. Un partenariat qui s’est d’ailleurs traduit par deux visites d’Emmanuel Macron en Irak en septembre 2020 et fin août 2021 à l’occasion de la Conférence de Bagdad avec les pays voisins du Moyen-Orient. Le Premier ministre irakien lui-même, Mohamed Chia al-Soudani, est venu à Paris le 26 janvier dernier.

Si on simplifie, on peut dire que la diplomatie française estime que l’Irak est le pivot du Moyen-Orient. Et quand l’Irak est stabilisé, c’est toute la région qui, par ricochet, est stable.

Sauf qu’en Irak, rien n’est simple: le pays reste fracturé, sur le plan politique, mais aussi le plan religieux et même ethnique. Les défis sont nombreux : le terrorisme, le trafic de drogue, les frontières passoires. En vérité, ce partenariat qu’on dit global est surtout effectif en matière militaire et notamment dans la lutte contre le groupe Etat Islamique.

L’idée, c’est de tout faire pour aider à la reconstruction de l’Etat irakien et éviter qu’il ne retombe dans une spirale de violences jihadistes. D’où la présence de nos 600 soldats. Parmi lesquels 80 formateurs qui se relaient pour former cinq bataillons, c’est-à-dire 2100 militaires irakiens. Autrement dit, pas d’opérations militaires au sol mais de la formation et de l’entraînement.

C’est d’ailleurs pour cela que le 18 juillet dernier, le ministre des Armées Sébastien Lecornu s’est rendu en Irak. Le ministre en avait profité pour se rendre à Erbil et rencontrer Massoud Barzani, le président du gouvernement régional du Kurdistan. Un territoire qui vit sous la menace permanente de frappes iraniennes mais aussi de frappes turques. Des attaques condamnées par la France. Or, la Turquie, rappelons-le, fait partie de l’OTAN. Comme quoi, dans cette région, rien n’est simple.

Laurent Neumann